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Dans son avidité de gloire et de pouvoir, rien n’est en mesure d’arrêter Devadatta.
Il fait tout son possible pour tenter d’éliminer Bouddha et de diviser la communauté monastique. Cela lui causera les plus fâcheuses conséquences.
Lorsque Devadatta apprit la mort de l’ancien roi Bimbisāra et le chagrin du roi Ajātasatu, il alla le voir en lui délivrant divers enseignements. Quand il en vint à évoquer le triste événement, il finit en concluant :
« Ô Ajātasatu ! Le cas de votre père est maintenant réglé. Il reste celui de Bouddha à présent. Pour le tuer, j’ai besoin de trente-deux archers. »
Toujours confiant envers le nuisible Devadatta, le roi lui mis à disposition les archers demandés. Devadatta avait élaboré un plan de manière à réussir son meurtre sans qu’on puisse le soupçonner… Il réunit les trente-deux archers, et s’adressa au plus habile d’entre eux :
« Allez tout près de Bouddha et lancez-lui une flèche en plein cœur. »
Quand il eut reçu son ordre, le plus habile des archers se mit à l’œuvre ; il alla vers le Bienheureux. Dès qu’il fut parti, il envoya deux autres archers, leur ordonnant d’aller attendre le premier archer, cachés derrière le chemin, et de le tuer dès qu’il reviendrait du monastère de Bouddha. Quand les deux archers furent partis, il en envoya quatre autres en leur demandant d’aller attendre le retour des deux autres, cachés derrière le chemin, à un endroit moins éloigné, et de les exécuter à leur tour. Après que ceux-là se mirent en route, il en envoya huit autres avec le même ordre, en désignant toutefois un endroit encore moins éloigné. Quant aux dix-sept archers qui restaient, le nuisible Devadatta leur ordonna seulement de se cacher sur place, guettant les huit derniers partis pour les éliminer à leur retour.
Quand le premier archer fut arrivé auprès de Bouddha, il lui décocha une flèche, qui, juste avant d’atteindre sa cible, fut anéantie par les pouvoirs psychiques du Parfait. Impressionné de voir sa flèche disparaître soudainement juste devant sa cible, l’archer jeta son arc. Le Bienheureux lui demanda de s’asseoir, rayonnant d’une telle compassion que déjà il regrettait son geste. Il lança son archer dans les fourrés et vint se prosterner devant lui et écouta l’enseignement qu’il lui délivra, avant de prendre les trois refuges, en lui déclarant qu’il compterait désormais parmi ses upāsaka. Lorsqu’il rebroussa chemin, Bouddha lui recommanda de prendre le chemin opposé, car il vit – à l’aide de ses pouvoirs psychiques – que les autres archers attendaient pour le tuer. Comme l’archer ne revenait pas, les deux qui furent envoyés pour le supprimer commencèrent à s’inquiéter. Ils se sont avancés lentement jusqu’à Bouddha. Et quand ils parvinrent à lui, ils furent surpris de ne pas l’avoir trouvé. En les apercevant, le Bienheureux les invita à prendre place près de lui. Quand ils entendirent l’enseignement du Parfait, ils firent comme le premier archer. Pour la même raison, tous les autres archers suivirent le chemin jusqu’à Bouddha, et n’en repartirent qu’après avoir jeté leur arme et prirent les trois refuges.
Une fois que les trente-deux archers se retrouvèrent ensemble, apprenant alors qu’ils avaient reçu de Devadatta l’ordre de s’entretuer, ils se contentèrent de retourner vers lui et de lui dire :
« Si vous voulez tuer Bouddha, vous n’avez qu’à le faire vous-même ! »
Après cet échec, Devadatta décida qu’il agirait lui-même, prenant à la lettre la réplique ironique des archers. Un jour, il alla sur la montagne Gijjhakuṭa, sur laquelle il fit rouler un énorme rocher par ses disciples, jusqu’au rebord de la falaise qui dominait la route de l’étroite vallée coincée entre deux montagnes. Quand ce fut fait, il fit évacuer tout le monde et resta seul à attendre. Peu de temps après, alors que Bouddha suivait la route de la vallée, Devadatta poussa le lourd rocher, le faisant ainsi dangereusement chuter vers le cœur de la vallée, où avançait le Bienheureux. Voyant tomber le rocher au-dessus de lui, Bouddha fit apparaître un pont rocheux entre les deux montagnes qui entouraient la vallée, de sorte à retenir le gros rocher dans sa chute. Celui-ci se fracassa sur le barrage avec une violence telle, qu’il se brisa en nombreux morceaux. Alors que des éclats volèrent au loin, l’un d’eux blessa Bouddha au pied. Lorsqu’il leva les yeux vers le haut, il vit le nuisible Devadatta, qui l’observait au loin, guettant les effets de son terrible acte. Bouddha l’interpella :
« Devadatta ! Pourquoi tentez-vous, après avoir pris la robe monastique, de me supprimer, moi Bouddha ? Est-ce parce que vous pensez que l’enfer Avīci – le plus douloureux des enfers – est agréable ? »
Quand les moines virent le pied ensanglanté de Bouddha, ils lui demandèrent ce qui s’était passé. Une fois que la nouvelle tentative de meurtre de Devadatta leur fut racontée, certains s’armèrent de bâtons pour protéger Bouddha, qui les rassura :
« Ne vous inquiétez pas ! Personne ne peut tuer un bouddha omniscient. Un bouddha ne s’éteint en parinibbāna que par lui-même ; personne ne peut l’y précipiter. »
Le docteur Jīvaka soigna la plaie de Bouddha. Au bout de trois jours, sa blessure étant totalement guérie, il put de nouveau aller collecter sa nourriture avec son bol.
De son côté, Devadatta réfléchit à un nouveau stratagème pour éliminer Bouddha.
Bien décidé à tuer Bouddha, le néfaste Devadatta pensa :
« Bouddha a une apparence majestueuse, il enseigne merveilleusement le dhamma, il protège les êtres, les gens le vénèrent énormément. Pour cette raison, je ne trouverai jamais quelqu’un qui accepterait de l’éliminer. En revanche, un animal peut effectuer une telle besogne sans se poser de questions. Je vais donc lâcher un éléphant sur Bouddha. »
À peine cette idée surgie dans son esprit malsain, Devadatta alla emprunter au roi Ajātasatu son éléphant Nāḷāgiri, connu pour être très sauvage et mauvais. Il tua de nombreuses personnes. Quand le roi le lui remit, attaché par des chaînes et entouré d’hommes armés pour le maintenir, Devadatta lui fit boire de l’alcool afin de le rendre plus méchant encore. Étant donné que le faux moine prévit lâcher le dangereux pachyderme le lendemain matin, au moment où Bouddha effectuerait sa collecte quotidienne, le roi fit avertir tous les habitants des environs de ne pas sortir pendant la matinée du lendemain. Il indiqua simplement qu’un éléphant dangereux serait lâché, sans toutefois préciser que la cible serait Bouddha. Cet étrange événement fit rapidement le tour de Rājāgaha, et beaucoup de gens allèrent trouver le Bienheureux pour lui déconseiller de sortir le lendemain. Beaucoup déclarèrent, en devinant un mauvais coup de sa part, que Devadatta avait dû se concerter avec le roi pour lancer cet éléphant contre Bouddha. Ce dernier se contenta de répondre :
« Ce n’est rien, ne vous inquiétez pas, aucun danger ne peut m’arriver ! Je vais amadouer cet éléphant. »
Refusant de suivre les conseils des gens inquiets, il demanda au contraire à tous ses disciples de le suivre dès le lendemain matin ; ils iraient tous effectuer ensemble la collecte de nourriture. Au lever du jour, Bouddha appela son serviteur attitré :
« Ānandā ! Réunissez tous les moines de Rājāgaha dans le monastère de Veḷuvana. »
Quand tous furent présents, Bouddha emprunta la route principale, qui ne désemplissait jamais de monde et qui se dirigeait droit vers le centre de la ville. Il était suivi de tous ses disciples. Comme tout le monde fut prévenu du danger, chacun avait grimpé dans les arbres, sur les toits des maisons, et partout où l’on ne pouvait être atteint par l’éléphant. Lorsque Devadatta aperçut Bouddha arriver au loin avec ses disciples, il fit boire encore un peu d’alcool à l’éléphant Nāḷāgiri, avant de le lâcher sur lui. Dans le public, il y avait des titthi qui se réjouissaient :
« Aujourd’hui, Bouddha va mourir. Nous en serons débarrassés ! »
Quand l’éléphant s’approcha, en apercevant Bouddha, il émit un puissant barrissement, qui fit trembler le sol sous ses lourdes pattes. Dans une fureur folle, le puissant animal détruisit toutes les maisons et tous les arbres situés aux abords de la route. Rien ne résistait à son passage, même les constructions les plus solides. Il commença à charger le Bienheureux en se précipitant à grande vitesse vers lui et ses moines. Les moines qui se trouvaient juste derrière Bouddha, voyant l’éléphant se précipiter vers eux à une allure inquiétante, proposèrent à leur maître :
« Vénérable Bouddha ! Ce féroce animal est réputé pour être très violent. Vous ne savez peut-être pas comment il est dangereux. Nous vous prions de tourner et d’emprunter sans plus tarder un autre chemin.
— Ô moines ! Soyez sans crainte ! Je vais le dompter pour qu’il soit docile.
— (Le Vénérable Sāriputtarā) Vénérable Bouddha ! Demeurez tranquillement à l’écart, je vais me charger de le dompter.
— Non, Sāriputtarā, restez où vous êtes !
— (Le Vénérable Mahā Moggalāna) Vénérable Bouddha ! Demeurez tranquillement à l’écart, je vais me charger de le dompter.
— Non, Mahā Moggalāna, restez où vous êtes ! »
D’autres grands disciples se proposèrent de la même façon, essuyant tous le même refus. Tandis que la masse effrayante du pachyderme n’était plus qu’à une faible distance des moines, le Vénérable Ānandā se propulsa d’un bond devant le Bienheureux, soucieux de le protéger au sacrifice de sa vie. Néanmoins, son maître lui ordonna de ne pas rester devant lui :
« Poussez-vous d’ici et filez derrière, Ānandā ! Laissez-moi m’occuper moi-même de cet éléphant.
— Ne faites pas cela, noble Bouddha ! Cet animal est très sauvage, et ivre de surcroît. Laissez-moi mourir plutôt que de vous risquer à un tel danger. »
Comme le Vénérable Ānandā avait un immense attachement pour son maître pour qui il craignait un danger, il persista à ne pas lui obéir. Bouddha l’aspira – à l’aide de ses pouvoirs psychiques – tout en l’éjectant derrière lui en un éclair. À cet instant, terrifiée par l’éléphant, une femme courrait avec son bébé dans les bras. Gênée par son enfant dans sa course, elle vint le poser tout près de Bouddha, le croyant en sécurité auprès de lui, et continua sa fuite de plus belle. Apercevant cette femme, l’éléphant la prit pour nouvelle cible, plus excité par un être mouvant qu’un être immobile. Bouddha s’adressa alors à l’éléphant :
« Si tu as été lâché, c’est pour me tuer et non pour tuer quelqu’un d’autre. Laisse cette femme en paix et viens plutôt vers moi ! »
En se retournant vers le Bienheureux, l’éléphant le fixa du regard, prêt à le charger. Cependant, Bouddha lui projeta un flot de mettā tellement puissant, que l’animal se dégrisa de l’alcool qu’il avait absorbé et, se sentant envahi par un amour d’une intensité extraordinaire, il se dépossédât subitement de toute malveillance. Mettant sa trompe dans la bouche, rabaissant les oreilles et la queue, il s’approcha tout doucement de Bouddha, et s’abaissa devant lui. Félicitant l’éléphant, le Bienheureux le caressa en lui donnant des recommandations :
« À partir d’aujourd’hui, ne sois plus jamais mauvais, ne tue pas ! Demeure gentil et bienveillant à l’égard des autres ! Ainsi, lorsque tu parviendras au terme de ton existence, tu pourras accéder aux mondes supérieurs (monde humain, monde des deva ou monde des brahmā). »
Quand l’éléphant Nāḷāgiri entendit les paroles du Bienheureux, épris d’une profonde admiration, il l’entoura délicatement de sa trompe, en guise de respect et de gratitude. L’animal était tellement respectueux de suivre les recommandations de Bouddha qu’il aurait aisément pu devenir un sotāpana s’il avait été un être humain. À ce moment-là, tous les gens présents ont exprimé leur joie dans un tumulte d’exclamations. Les gens étaient si admiratifs pour cet éléphant qu’ils le caressaient longuement et beaucoup d’entre eux lui offrirent de nombreux dons. L’éléphant changea alors de nom ; il s’appellerait désormais Dhanapāla, ce qui signifie : « celui qui prend soin de sa fortune ». Bouddha délivra un enseignement à toutes les personnes présentes. Certains devinrent sotāpana, les autres prirent les trois refuges.
Depuis le jour où l’éléphant fut lâché sur Bouddha, plus personne n’avait de vénération pour le nuisible Devadatta, y compris le roi Ajātasatu. Il devint alors très difficile pour lui et ses disciples d’obtenir de la nourriture. En revanche, les gens avaient une vénération plus forte que jamais pour Bouddha. Devadatta et ses disciples ne parvenant plus à obtenir de quoi se nourrir à l’aide de la collecte, ils en vinrent à mendier carrément leur repas auprès des gens. Dépourvu de honte, Devadatta incita même des disciples laïcs à aller demander pour lui de la nourriture aux villageois. Quand Bouddha sut cela, il établit une nouvelle règle de conduite monastique (le pācittiya 32) :
« Ô moines ! Si un moine consomme de la nourriture réclamée ou offerte de manière incorrecte (impolie, irrespectueuse, etc.), acceptée à quatre moines ou plus, il commet un pācittiya à chaque ingestion. »
Bouddha précisa en outre qu’un moine ne doit jamais demander quoi que ce soit à qui que ce soit — en dehors du saṃgha. En revanche, un moine est à la rigueur autorisé à faire connaître ses besoins à un membre de sa famille directe (enfants, parents, grands-parents, etc.) ou à une personne qui l’a expressément invité à lui en faire part.
Quand Bouddha établit cette règle, Devadatta se fâcha contre lui plus que jamais. Il réunit ses quatre principaux disciples, qui étaient les moines Kokālika, Kaṭmodakatissa, Khaṇḍadeviya et Samuddadatta :
« Ô disciples ! Je vous annonce ma séparation totale avec Bouddha et sa communauté, avec qui je n’ai plus rien à faire. Restez seulement auprès de moi ! N’allez plus rien faire avec les moines de Gotama !
— (Le moine Kokālika) Ô Vénérable Devadatta ! Bouddha a beaucoup de pouvoirs. Comment pourriez-vous diviser le saṃgha ? C’est impossible !
— Ne vous inquiétez pas, ce n’est pas difficile ! Je connais bien le vinaya (discipline monastique) que Gotama enseigne. Je sais comment l’enseigner. Je vais demander à Gotama d’intégrer cinq points supplémentaires dans le vinaya. Il va certainement les refuser. À ce moment-là, j’intégrerai ces cinq points, fondant ainsi ma propre communauté. Dans ce monde, il y a beaucoup de personnes qui sont attirées par les pratiques particulières. Ainsi, il y aura toujours du monde qui viendra à moi ! »
Peu de temps après, il se rendit près de Bouddha lui faire part de ses cinq exigences, devant une grande assemblée de moines :
« Ô noble Bouddha ! Je vous prie d’intégrer cinq points supplémentaires dans le vinaya…
Bouddha refusa fermement chacune de ces cinq exigences, et déclara à Devadatta :
« Devadatta ! La voie que j’ai enseignée est la voie moyenne. Que les moines qui souhaitent demeurer isolés dans la forêt y demeurent ! Que les moines qui souhaitent demeurer près des villages y demeurent ! Que les moines qui souhaitent collecter leur nourriture à l’aide du bol s’alimentent ainsi ! Que les moines qui souhaitent répondre aux invitations pour les repas s’alimentent ainsi ! Que les moines qui souhaitent porter des robes faites de tissus abandonnés se vêtissent ainsi ! Que les moines qui souhaitent porter des robes neuves offertes par les dāyaka se vêtissent ainsi ! Que les moines qui souhaitent dormir sous un arbre y dorment ! Que les moines qui souhaitent dormir sous un toit y dorment ! Que les moines qui souhaitent être végétariens le soient ! Que les moines qui souhaitent manger de la viande et du poisson en mangent !
Concernant la viande, j’ai déjà enseigné les viandes qu’il n’est pas convenable de consommer pour un moine. »
Remarque : Auparavant, à propos du végétarisme, Bouddha avait déjà expliqué, entre autres, que lorsqu’un moine accepte la viande d’un animal qui n’a pas été tué par lui, ni spécialement à l’intention du saṃgha, il peut la manger sans commettre le moindre akusala, car il n’est aucunement responsable de sa mort. Il est même tenu de l’accepter, car d’une part, il ne doit pas montrer d’exigences pour la nourriture qui lui est offerte, et d’autre part, il ne doit pas empêcher aux nombreuses personnes qui n’ont que de la viande à offrir au saṃgha l’occasion de se faire du mérite par leur pratique du don.
Remarque : Outre la viande d’un animal tué spécifiquement pour un ou plusieurs membres du saṃgha, un moine ne doit pas accepter ni manger dix sortes de viande, dans le but de ne pas choquer les gens qui prêtent des qualités nobles, sacrées ou affectives à certains animaux ou simplement aux êtres humains : l’être humain, le chien, le cheval, l’éléphant, le léopard, le tigre, le lion, l’ours, l’hyène et le serpent.
Comme le Bienheureux rejeta ses cinq exigences, Devadatta fut ravi, car il n’en attendait pas moins. Aussitôt qu’il fut sorti du bâtiment principal où demeurait Bouddha, il s’écria devant tous les moines qui se tenaient près de lui :
« Je viens de demander au moine Gotama d’intégrer cinq nobles pratiques dans le vinaya. Il a refusé ! Il a peur de la difficulté et du dépouillement. Il préfère une vie confortable pour lui et ses moines. Il veut vivre facilement en jouissant de nombreux dons. Je me sépare de ce Gotama, car je tiens à intégrer ces cinq nobles pratiques dans le vinaya. Que ceux qui veulent me suivre viennent avec moi ! »
Lorsque ce discours fut rapporté à Bouddha, il convoqua Devadatta pour lui dire :
« Devadatta ! Ne tentez pas de diviser le saṃgha ! Les êtres qui œuvrent à diviser le saṃgha subissent les enfers Avīci (les plus pénibles de tous) pendant un kappa entier. En revanche, les personnes qui œuvrent pour ressouder un saṃgha divisé, après leur mort, expérimentent la vie de deva pendant un kappa entier. »
En dépit de l’avertissement de Bouddha, désireux de s’obstiner dans sa maudite besogne de division du saṃgha, Devadatta prit congé de lui.
Un jour, alors que le Vénérable Ānandā faisait sa collecte de nourriture dans la ville de Rājāgaha, il rencontra Devadatta, qui lui dit :
« Ānandā ! Sachez que désormais, je ne ferai plus l’uposatha avec les disciples de Bouddha, je ne participerai plus à aucune procédure avec eux. Moi et mes disciples formons à présent une communauté totalement à part. »
Le Vénérable Ānandā rapporta ces propos à Bouddha. Le jour d’uposatha suivant, accompagné de cinq cents moines de Vesālī qu’il réussit à racoler dans sa secte, Devadatta se rendit à la ville de Gayāsīsa. Parmi la population, personne n’appréciait le grand provocateur de discorde qu’il était. Ainsi, lui et ses disciples rencontrèrent de larges difficultés pour obtenir leur nourriture. Pour cette raison, beaucoup de moines voulurent quitter la robe pour retourner à la vie laïque.
Bouddha convoqua ses deux disciples suprêmes, les Vénérables Sāriputtarā et Mahā Moggalāna :
« Ô Sāriputtarā et Mahā Moggalāna ! Les cinq cents moines qui ont suivi Devadatta sont entrés dans le saṃgha, car ils cherchent la paix de nibbāna. À cause de Devadatta, ils sont sur le point de quitter le saṃgha, car ils sont à cours de nourriture et de vêtements. Allez les voir et enseignez-leur le dhamma ! »
Les deux aggasāvaka (les deux plus nobles disciples de Bouddha — les Vénérables Sāriputtarā et Mahā Moggalāna) partirent à la rencontre des disciples de Devadatta. Quand ce dernier les aperçut de loin, il fut empli d’une immense joie. Quand son principal disciple, le moine Kokālika, remarqua l’allégresse qui animait son maître, il voulut le mettre en garde :
« Vénérable Devadatta ! Ne faites pas confiance à ces deux moines !
— Ne vous en faites pas ! Ils viennent vers moi, car ils apprécient les cinq pratiques que j’impose à ma communauté. Ils viennent pour s’intégrer à nous ! »
Au moment où les deux aggasāvaka arrivèrent parmi eux, Devadatta les accueillit dignement. Il leur fit préparer deux bonnes places pour qu’ils puissent s’installer. Néanmoins, déclinant l’hospitalité de Devadatta, ils s’assirent tous deux à une autre place. Devadatta commença à délivrer un enseignement devant tous ses disciples et les deux invités, sans mot dire, écoutaient tranquillement parler l’irraisonné. Après un long enseignement qui dura jusqu’à la nuit, épuisé, Devadatta invita le Vénérable Sāriputtarā à prendre sa place avant d’aller se coucher :
« Ami Sāriputtarā ! Je suis fatigué, à présent je vais me reposer. Je vous en prie, donnez un enseignement ! »
Le Vénérable Sāriputtarā délivra un enseignement à propos des quatre nobles vérités. Ensuite, le Vénérable Mahā Moggalāna donna à son tour un enseignement, qui lui, traitait des pouvoirs psychiques. Après avoir entendu l’enseignement de chacun des deux aggasāvaka, les cinq cents moines présents – hormis les quatre disciples principaux de Devadatta – devinrent sotāpana. À l’arrivée du jour nouveau, le Vénérable Sāriputtarā vint poliment annoncer son départ à Devadatta qui venait tout juste de se réveiller :
« Ô Devadatta ! Nous nous en allons, maintenant. Ceux qui apprécient votre enseignement viendront vers vous, ceux qui apprécient le nôtre viendront vers Bouddha. »
Au moment où les deux aggasāvaka s’éloignèrent, les cinq cents moines présents les suivirent. Assistant au départ de ses cinq cents anciens disciples, Devadatta devint fou de colère au milieu des quatre disciples qui lui restaient. Également furieux, le moine Kokālika lui donna un violent coup de genou dans la poitrine, avant de lui hurler sur un ton de reproche :
« Ne vous avais-je pas dit de ne pas les accepter ? Voyez où nous en sommes, à présent ! »
Tombé à terre, Devadatta fut gravement blessé par son disciple, à tel point qu’il vomit du sang en abondance. Il se mit à réfléchir à tous ses actes nuisibles et à toutes les recommandations qui lui furent faites. Se remettant entièrement en question, il finit peu à peu par avoir de profonds regrets sur ses agissements. Il réalisait sur le tard les conséquences néfastes que ses actes étaient susceptibles d’engendrer. Ses réflexions aboutirent à une volonté très forte d’aller reconnaître ses erreurs auprès de Bouddha en lui demandant pardon. Comme il ne pouvait pas marcher, il demanda à ses quatre derniers disciples de le transporter, à l’aide d’un banc, au monastère du Bienheureux, qui demeurait alors à Sāvatthi. Juste avant d’arriver, après un pénible voyage en raison du transport de Devadatta, assoiffés, les quatre moines posèrent le banc à terre pour se désaltérer dans un étang situé devant l’entrée du monastère de Jetavana.
Alors que les quatre moines étaient en train de boire, Devadatta était seul, assis sur son banc, attendant que les autres finissent de boire. Impatient d’épancher sa soif, il posa ses pieds à terre pour tenter de se redresser. Mais soudainement, dès que ses pieds se posèrent au sol, la terre s’ouvrit sous lui, l’aspirant lentement, telle une géante bouche l’avalant en douceur. Pendant qu’il descendait, il joignit les mains et se courba, malgré la douleur qui le tiraillait depuis le mauvais coup qu’il reçut à la poitrine, en direction de Bouddha. Il lui rendait hommage, en lui demandant pardon, avec ses plus sincères regrets. C’est ainsi que, absorbé dans un état d’esprit extrêmement bénéfique, Devadatta plongea lentement dans les feux du plus violent des enfers, dans lequel il restera pendant l’effrayante durée d’un kappa complet. Toutefois, en raison du puissant kusala qu’il développa durant les derniers instants de sa vie, après son séjour infernal, il deviendra un pacceka buddha et aura le nom d’Aṭṭhissara, ce qui signifie « celui qui prend conscience du dhamma par la vue d’ossements ».
Origine : ouvrage français
Auteur : Moine Dhamma Sāmi
Date : Janv. 2004
Mise à jour : 14 juin 2005