Cliquez ici pour afficher normalement la page (avec mise en forme et graphisme). Si ça ne fonctionne pas, vérifiez que votre navigateur accepte JavaScript et supporte les CSS. Nous vous recommandons un navigateur respectant les standards, tel que : Google Chrome, Firefox, Safari…
Petit sermon sur la pratique du Dhamma, vues sous l’angle du lâcher-prise.
Je vais vous parler de montgolfière, de thé et d’artisanat. Quel rapport avec le Dhamma, devez-vous penser…
Ma connaissance des textes bouddhiques est aussi grosse que moi (je n’ai que la peau sur les os) ! Cependant, je constate qu’un entraînement approfondi à la vertu et à la méditation offre une vision nettement plus claire de la Voie à suivre que ne le permet la connaissance livresque.
Si j’étais amené à donner un enseignement sur le Dhamma, mais limité à deux seuls mots, ce serait : « LÂCHEZ TOUT ! »
Car oui, du début à la fin, le cheminement vers la pleine Sagesse est une histoire de lâcher-prise, jusqu’au plein éveil (me semble-t-il). Nous lâchons tout d’abord les choses les plus grossières, pour ensuite lâcher peu à peu les choses les plus subtiles. C’est comme une montgolfière que l’on ne pourrait décoller de la Terre qu’en lâchant tous les sacs de sable attachés à la nacelle.
Ainsi, nous lâchons le sac des comportements nuisibles, le sac des habitudes malsaines, le sac des désirs en tout genre (gigantesque, celui-là), le sac des colères en tout genre (attention aux grains de sable égarés qu’on ne voit pas facilement mais qui font tout grincer), le sac des émotions, le sac de l’appropriation, le sac de l’impatience, le sac des pensées (dont le nœud se refait continuellement), le sac des convictions, le sac des illusions (qui recouvre tous les autres), et tant d’autres.
Pour apprécier toute la saveur d’un excellent thé, allez-vous mettre une grande quantité de thé, dans de l’eau bouillante, laissé infusé longtemps durant ? Vous obtiendrez à coup sûr un thé très amer que vous rejetteriez aussitôt, et vous penserez peut-être que ce sont les feuilles du thé qui sont mauvaises.
Pour apprécier tout le bénéfice d’une excellente méditation, allez-vous mettre une grande quantité d’effort, couplée à une concentration excessive, en réfléchissant à chaque détail longtemps durant ? Vous obtiendrez à coup sûr une méditation très amère que vous rejetteriez aussitôt, et vous penserez peut-être que ce sont les instructions de méditation qui sont mauvaises.
L’art du thé, c’est l’art de la méditation.
Pour un thé réussi, tout est une question de juste dosage. Pour apprécier toute la saveur d’un bon thé vert tel que le Long Jin Impérial, il convient d’en mettre 4 grammes dans une théière de 25 centilitres d’eau à 70°C et de le laisser infuser pendant 2 minutes.
Pour connaître pleinement le goût du thé, il est impératif de le déguster pur. Si vous y ajoutez ne serait-ce qu’à peine un peu de lait, de crème, de sucre, de miel ou de citron, vous ne connaîtrez plus le goût du thé ; votre vision en sera inévitablement erronée.
Dernier conseil : n’attendez pas pour boire votre tasse. Le thé est bien meilleur chaud que froid.
On est le propre artisan de sa purification. La réalisation du Dhamma résulte d’un travail personnel comparable à de l’artisanat. Toutefois, à l’inverse d’un artisanat matériel, on déconstruit, on démonte, on défait, on se défait, on lâche.
N’attendez pas un maître, une méthode ou quoi que ce soit qui accomplirait le miracle de vous donner l’Illumination. À l’instar de l’artisan, vous générez vous-même les qualités nécessaires au bon développement du Fruit de la pleine Sagesse.
Le mot « artisanat » peut servir de mémento pour le bon développement des conditions nécessaires au lâchage intégral, pour vous libérer du monde comme la montgolfière qui s’élève dans le ciel, pour permettre une bonne infusion méditative.
Voici les éléments de ce mémento et leurs significations.
A | R | T | I | S | A | N | A | T |
c c e p t a t i o n |
e n o n c e m e n t |
r a n s p a r e n c e |
n t é r ê t |
o l i t u d e |
t t e n t i o n |
a t u r e l |
m o u r |
r a n q u i l i t é |
Le plus important selon moi. À elle seule, l’acceptation peut presque conduire à l’éveil. On écrit des livres entiers sur des notions aussi incertaines que l’astrologie, ou aussi utopiques que la paix dans le monde ; on ferait bien d’écrire des livres entiers sur l’acceptation. C’est accessible à tous, applicable en toute situation, et les bénéfices sont grands. Bien pratiquée, l’acceptation implique naturellement les autres points.
Accepter pleinement tout ce qui est tel que cela est, n’est pas chose aisée. Toutefois, à force d’entraînement et de patience — moteur principal de l’acceptation —, on arrive à un bien-être d’une qualité insoupçonnable. Pour porter ses fruits — délicieux —, l’acceptation doit être complète. Pour avoir une vague idée de cette complétude, voici quelques exemples. Vous vous entraînez peu à peu à accepter aussi pleinement que possible : l’instant présent, votre situation générale actuelle, ce coup de fatigue, ce sentiment d’insatisfaction, cette sensation de gêne, cet ennui, cette mauvaise nourriture dans votre assiette, cette soif que vous ne pouvez assouvir pour le moment, cette chose qui vient de se briser ou de disparaître, ce bruit ou cri ou aboiement, cette personne qui tente de vous humilier, ce que telle autre personne peut penser de vous, cet embouteillage, ce train que vous venez de rater de justesse, cet insecte qui vous embête, cet ordinateur qui vient de planter après un long travail sans enregistrement.
Vous vous en seriez bien douté, le renoncement est une histoire de lâcher-prise. Mais attention ! Si le renoncement est forcé, il ne débouche que sur la frustration, sur le découragement ou, au mieux, sur une pratique douloureuse et stérile. Pour être profitable, le renoncement doit être le résultat d’un esprit souple et d’une pleine conscience. On renonce à force d’essayer, non en forçant. Et bien logiquement, on commence par renoncer aux choses grossières faciles à renoncer, et l’affinage se fera petit à petit.
Vous pouvez résider dans les ordures, être vêtu de haillons et être bien crasseux, la chose qui compte est d’avoir l’esprit aussi transparent que possible ; c’est-à-dire propre, pur, donc pas désordonné. Le charbon a la même structure moléculaire que le diamant. La seule différence est que celle du diamant est bien alignée. De ce fait il est parfaitement transparent, la lumière passe. Pour que la Lumière de la sagesse puisse traverser l’esprit, il faut donc bien le nettoyer.
À l’instar d’un verre d’eau, si un esprit n’est pas transparent, c’est parce qu’il y a toutes sortes de teintures qui le colorent. Il y a la teinture de la violence, la teinture de la malhonnêteté, la teinture du mensonge, la teinture de l’ivresse, la teinture du désir, la teinture de la distraction, l’encre noire des conceptions erronées et tant d’autres. Attention ! Une seule goutte de teinture suffit à rendre l’eau trouble.
Le fondement d’un esprit transparent est bien sûr l’application d’un comportement vertueux du corps, de la parole et de l’esprit. Pour cela, nul besoin d’apprendre par cœur des listes de préceptes. Le bon sens est votre meilleur précepteur. Au fond, chacun sait, pour chaque situation les comportements qu’il convient d’éviter. En cas de doute, c’est dans l’expérience attentive que l’on comprend ce qui est nuisible et ce qui est fructueux. Comme pour tout, c’est dans la pratique que nous apprenons. C’est en forgeant l’esprit qu’on devient forgeron de l’esprit.
Voilà LA clé de la réussite pour la méditation. Pendant la méditation, quand on décroche toutes les deux minutes l’attention de son objet, c’est uniquement par manque d’intérêt. Une preuve ? Dès l’instant où l’on commence à penser — à tort évidemment — que la méditation est une chose difficile, pénible, ennuyeuse, cela signifie précisément qu’on ne médite plus. Une autre preuve ? Même lorsqu’on est un peu fatigué, qu’il y a du bruit alentour et qu’on est mal assis, on parvient à rester bien absorbé sans problème pendant deux heures d’affilée devant un film prenant.
L’apparente monotonie d’une longue assise en silence peut paraître de prime abord moins excitante qu’un bon film d’action. Si vous comprenez ce qu’est la méditation, vous savez qu’il n’y a rien au monde qui soit plus digne d’intérêt, qu’il s’y passe toujours des choses, qui plus est, fort enrichissantes à observer. Cela est particulièrement le cas quand on sait ce que peuvent apporter le calme intérieur et la connaissance pénétrante de la réalité, comparée à une vulgaire distraction.
Pour le plus important des moments de la vie — autrement dit la mort — vous êtes seul. Pour expérimenter un état d’absorption vous êtes seul. Pour parvenir à connaître l’Inconditionné, l’Apaisement, la Permanence, vous êtes seul. Alors pourquoi ne pas se familiariser dès maintenant avec la solitude ? Surtout quand on sait que fondamentalement, on est toujours seul, que ce soit dans une salle de méditation bondée ou au sein d’une vie de couple.
Le premier avantage à aimer la solitude — même en plein milieu de la foule — est de ne jamais ressentir ce sentiment sinistre que tant ressentent dans l’isolement. La solitude constitue un terrain infiniment plus propice que la collectivité pour le développement du Dhamma, même si le soutien ponctuel de guides et des « amis dans le Dhamma » s’avère d’une aide précieuse.
Encore un élément essentiel sur la Voie de la Libération. En effet, c’est précisément à travers l’attention que vous voyez la réalité telle qu’elle est, que vous prenez connaissance du processus de tout ce qui peut se produire dans la conscience. Ainsi, c’est par l’attention que vous savez — par vous-même — que telle ou telle chose est futile, source de souffrance, obstacle au comportement juste de l’esprit. De là découle donc la compréhension. Et parce que vous comprenez, le renoncement devient une formalité qui n’exige même plus d’effort.
C’est l’attention à tout ce que vous pouvez percevoir — et tel que vous le percevez, donc libre de tout concept et commentaire intérieur — qui vous met automatiquement là où vous devez rester constamment pour qu’il y ait méditation et sagesse : dans l’instant présent ; « ici et maintenant », comme on aime répéter souvent mais qu’on ne met que rarement en pratique.
Comment comprendre le fonctionnement de la Nature à l’aide d’un esprit compliqué, conventionnel, forcé, figé, calculateur ? Tous ceux qui remportent le succès dans la méditation — sans exception — sont ceux qui demeurent complètement naturels. Le naturel, c’est laisser aller les choses telles qu’elles sont, sans chercher quoi que ce soit, mais cela implique aussi la souplesse et l’intuition.
L’esprit habile fait preuve d’une souplesse dynamique ; il n’est ni trop dur au risque de se briser et de stresser, ni trop mou au risque de sombrer dans l’ignorance et la torpeur. L’intuition est aussi un point majeur à ne pas négliger. Rappelez-le vous ; les instructions et conseils fournis par les personnes compétentes sont indispensables, mais cela pris en compte, il faut savoir faire confiance à son intuition, en particulier quand « ça coince », car votre principal maître, c’est vous-même ! Attention toutefois à ne pas suivre exclusivement, et donc aveuglément, votre intuition ; la Voie du Dhamma, c’est la Voie du milieu. En effet, on peut avoir l’intuition de ne plus pratiquer le Dhamma, et de courir après les leurres que sont les plaisirs sensoriels.
Encore une chose dont on parle beaucoup et qu’on ne met que bien peu en pratique. Les bénéfices de l’Amour, de la bienveillance, de l’amabilité, sont pourtant si grands. C’est comme mettre de l’huile dans un moteur grinçant, un courant d’air frais dans une lourde chaleur, une source d’eau fraîche sur une terre brutalisée par la sécheresse.
S’il n’est pas partagé également envers l’ensemble des êtres, ce qu’on appelle « Amour » n’est qu’un attachement égoïste, voire du désir dans le cas d’une relation sensuelle. L’amour est parachevé lorsque vous ressentez une pleine bienveillance envers les êtres même les plus hostiles. Heureusement, bien avant d’en arriver là, les bienfaits d’un tel entraînement se font largement ressentir.
La base même d’un terreau propice et indispensable au développement de la connaissance directe de la réalité est un esprit tranquille, calme, apaisé. Dans le cadre du travail ou d’un problème quelconque, ce n’est que dans la tranquillité qu’on prospère et qu’on solutionne. Cela est d’autant plus vrai concernant le plus grand des travaux qu’est la méditation et le plus grand des problèmes que sont les impuretés mentales.
L’un des merveilleux pouvoirs de la tranquillité, c’est qu’elle apporte naturellement de l’équanimité et beaucoup de détachement. Qu’attendez-vous pour goûter à la douce légèreté et au délectable silence de la tranquillité ?
Quand vous avez accompli un bon A.R.T.I.S.A.N.A.T., vous demeurez dans le juste, dans le bien-être intérieur, dans la connaissance profonde des choses, vous ne connaissez plus les mots « problème », « souci » et « insatisfaction ». Vous voyez les choses telles qu’elles sont, donc vous voyez clairement que « vous » n’êtes qu’un groupe d’éléments en constant changement au milieu d’un autre groupe d’éléments en constant changement. Vous expérimentez le détachement et la paix procurée par la pleine acceptation. Vous êtes libre.
Si vous avez pu entrapercevoir un échantillon des bénéfices de cet Artisanat du Dhamma, alors vraiment, la méditation demeure votre priorité. Votre motivation est telle que vous ne pouvez pas envisager autre chose que de vous investir sérieusement à la purification de votre esprit. Vous cessez de tourner lamentablement en rond en souhaitant de temps à autre de parvenir — comme par miracle — un jour à la Paix. Au lieu de cela, vous vous attelez, la joie au cœur, au lâcher-prise intégral.
Si un bon thé authentique en vrac préparé avec soin peut s’avérer excellent, même un thé industriel en sachet peut être bon. Ce ne pourra par contre jamais être le cas pour le Dhamma. Ne perdez donc pas votre temps avec un Dhamma surfait, convenu, industriel, tel qu’on le trouve dans tous ces enseignements souillés de visions poétiques aveuglantes remplies de petits oiseaux et de petites fleurs. Cela ne doit jamais devenir votre tasse de thé si votre véritable souhait est de lâcher tout ce qui vous emprisonne dans les désagréments perpétuellement générés par l’Illusion. Optez pour un Dhamma dépourvu d’artifices, optez pour un Dhamma artisanal !
Maintenant vous en savez plus que nécessaire. Cessez donc de lire des textes sur le Dhamma et investissez-vous sérieusement à la méditation !
Pour vous appliquer convenablement à cela, que convient-il de faire ? Bravo, vous l’avez deviné : il faut tout lâcher !
Sur ces propos, je retourne dans ma forêt bien aimée : )
Bon lâcher à toutes et à tous !
isi Dhamma
Origine : Texte écrit pour le site
Auteur : isi Dhamma
Date : 13 janvier 2012
Mise à jour : 13 janvier 2012