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Le processus de purification de l’esprit, de la base jusqu’à la Délivrance, tel qu’il est exposé à travers les souttas et les commentaires, dans un langage concis et très clair.
Ces 7 étapes sont ce qu’on appelle les 7 visuddhi.
L’étape 1 correspond à sīla, la 2 à samādhi (développé par samatha), les 3, 4, 5 et 6 à pañña (développé par vipassanā) et la 7 à nibbāna).
Remarque importante : Le « samādhi juste » nécessite au minimum un jhāna ou son prémice (à ce stade, l’esprit est capable de rester des heures sans la moindre pensée). Alors seulement il est possible de commencer ce que Bouddha appelait véritablement vipassanā.
Il s’agit du comportement extérieur (les paroles et les actes), intérieur (les pensées) et de la vigilance dans chaque instant de la vie quotidienne.
Pensées, paroles et actes doivent être cohérents, il faut éviter de penser une chose et de dire ou de faire le contraire, ou de parler dans un sens pour agir dans un autre, il est même souhaitable d’en arriver à ce que les pensées conscientes et les inconscientes ne se contredisent plus. Honnêteté et sincérité sont toujours indispensables.
Une telle cohérence dans tous les instants de la vie est nécessaire si l’on veut parcourir avec succès les autres étapes de l’Enseignement, elle en est une base indispensable.
Ce comportement discipliné a aussi pour effet de ne nuire à personne : ni aux autres ni à soi-même. Il évite en particulier de faire du mal aux animaux, aux plantes et à la nature en général.
Cette discipline est décrite en plusieurs niveaux. En premier lieu, les moines et les moniales ont pour devoir de respecter de nombreuses règles que nous ne détaillerons pas ici.
Pour les autres, l’éthique minimale se résume à 5 abstentions : ne pas tuer, ne pas voler, ne pas avoir de relations sexuelles illégitimes, ne pas mentir, ne pas consommer d’alcool ou de drogues.
On trouve aussi une perspective plus large exposée en 10 points :
Il y a d’autres défauts à rejeter : toute forme de convoitise, d’aversion, de colère, de ressentiment, d’ingratitude, de jalousie, de dissimulation, d’hypocrisie, d’entêtement, d’esprit de compétition, d’insouciance et de vanité. Il faut de plus se contenter de peu si nécessaire, partager généreusement ce qu’on a, et l’on doit éviter de se surestimer ou de se sous-estimer.
Ces défauts sont évidents lorsqu’ils sont grands, mais il faut aussi en remarquer les formes les plus petites, les plus subtiles, pour les éliminer.
Un comportement irréprochable de cette sorte est réputé ouvrir les portes du ciel après la mort, il apporte dès maintenant une grande sérénité, suscite la confiance chez les autres et constitue une base indispensable pour aborder les étapes suivantes avec succès.
Quand on s’appuie sur un comportement irréprochable tel que décrit dans l’étape précédente, on peut s’appliquer à intensifier la concentration.
Dans le langage courant, le mot concentration désigne un contrôle sur les pensées ou une attention portée à ce que l’on fait. Mais ici, la concentration intense se réfère à l’attention fixée sur un point unique, immobile, maintenue jusqu’à ce que la chose considérée et la conscience qu’on a de cette chose ne fassent plus qu’un. Ici intervient une notion importante et subtile, difficile à nommer en français et se situant au-delà de l’état d’esprit. On peut essayer de la cerner en parlant de qualité de connaissance, acuité de conscience, finesse de perception, capacité d’attention, qualité d’être, état d’être.
Tant qu’on n’a pas encore commencé à renforcer la concentration, les perceptions sont superficielles et grossières, incapables de distinguer correctement les diverses composantes des expériences vécues. Mais au fur et à mesure que l’on progresse, les perceptions acquièrent finesse et netteté, qualités indispensables pour parcourir les étapes suivantes avec quelque chance de succès. Dans le même temps, on devient de plus en plus lucide.
Si l’on s’exerce régulièrement à la concentration, mais que, le reste du temps, on pense, parle et agit d’une façon qui favorise la dispersion de l’attention, on n’arrivera à rien. Voilà pourquoi un comportement irréprochable est un préalable nécessaire à l’intensification de la concentration.
Comment atteindre cet état d’intense concentration ? En prenant d’abord une posture adéquate (stable, énergique et confortable), car le corps et l’esprit interagissent constamment, et une bonne posture corporelle favorise un bon état mental. Puis on stabilise l’attention sur le support physique que l’on aura choisi. Celui-ci peut être une chose visible – une couleur par exemple – ou un toucher tel que le contact de l’air dans le nez au cours de la respiration.
Pendant que l’on s’exerce ainsi, plusieurs obstacles peuvent s’opposer à la concentration.
Le premier d’entre eux se manifeste quand l’attention est attirée vers un objet autre que celui choisi. Si cet élan est faible, l’attention ne va pas jusqu’à l’objet inopportun et se recentre aussitôt sur celui de la pratique. Mais si l’élan est fort, l’attention bondit jusqu’à l’objet parasite, avant de partir vers un autre, puis en direction d’un troisième, etc. Tant que ce type d’élan se produit, la perception (saññā) de l’objet n’est qu’intermittente et faible.
Quand le premier obstacle s’estompe, le deuxième devient perceptible. Il peut se manifester de deux façons. Lorsqu’on veut amener l’attention sur l’objet, une résistance empêche d’aller jusqu’à l’endroit voulu. Ou bien, l’attention déjà posée sur l’objet choisi s’en écarte comme si ce dernier la repoussait. Comme le premier obstacle est déjà éliminé, l’attention ne porte plus sur rien, il se produit une espèce de vide qui ne constitue en rien un but à rechercher. Tant que perdure ce deuxième obstacle, la perception de l’objet reste aléatoire.
Lorsque les deux premiers obstacles sont écartés, l’attention demeure naturellement sur l’objet choisi, elle reste ferme non seulement au cours de l’exercice formel, mais aussi pendant la vie quotidienne, et cette vigilance constitue un élément essentiel du comportement dont il a été question dans la première étape.
Les deux premiers obstacles étant écartés, il ne faut pas relâcher l’effort. Car à présent le troisième obstacle apparaît nettement. Il se présente comme une imprécision dans la connaissance de l’objet, laquelle n’est pas aussi claire, aussi nette, aussi précise, aussi bien localisée qu’elle le devrait, et l’on doit faire effort pour resserrer l’attention sur l’objet. Tant que ce troisième obstacle n’est pas écarté, la qualité de la connaissance reste insuffisante.
Puis le quatrième obstacle devient bien clair. Il se présente comme une agitation non conceptuelle, quasi physique, une sorte de vibration qui affaiblit la qualité de l’observation. Cet obstacle, semblable à un frémissement souterrain, perturbe la tranquillité d’esprit. Quand il cesse, la paix ressentie évoque « l’heure calme » qui envahit la campagne au crépuscule. La qualité de la conscience est alors excellente.
Si, au cours de la pratique, on prend conscience d’un état nouveau ou si l’on remarque un détail jusque-là inconnu, on peut se demander si cette nouveauté est bénéfique ou pernicieuse, on ne sait pas s’il faut la favoriser ou l’écarter, cette indécision constitue le cinquième obstacle. Tant que dure cette incertitude, la clarté de conscience est troublée. Mais dès que le doute est levé, la connaissance retrouve toute sa qualité.
Les obstacles sont énumérés ici dans l’ordre naturel de leur découverte, mais, quand ils ont été reconnus une première fois, ils peuvent se présenter ensuite de façon aléatoire.
En écartant peu à peu les obstacles, on améliore en profondeur la lucidité, la finesse de perception et la qualité de connaissance-conscience.
Quand les cinq obstacles sont écartés durablement, une apparence subtile se détache du support physique choisi, une sorte d’apparition. Elle est le signe que la connaissance a la finesse et la précision nécessaires pour aborder la troisième étape.
Mais on peut améliorer encore plus ces qualités en maintenant l’attention sur ce signe subtil jusqu’à s’y absorber. Voilà ce que les textes nomment jhāna, qui comporte plusieurs niveaux. Les étapes suivantes sont alors plus faciles à parcourir, et l’on comprend pourquoi le Majjhima Nikāya énumère si souvent ces niveaux d’absorption contemplative.
Il s’agit d’abord de voir les éléments de l’expérience immédiate tels qu’ils sont, sans préjugé ni a priori, sans construction mentale et même sans pensées conceptuelles. Seulement les observer dans leur simplicité. On ne peut le faire pleinement qu’en s’appuyant sur une concentration intense.
Quels éléments faut-il contempler ainsi ?
En premier lieu les composantes physiques que sont les cinq sens et leurs objets.
On observe la faculté de voir : où se trouve-t-elle ? Quel est son degré d’acuité ?
On contemple des apparences visibles, qui peuvent être une couleur, une forme, une combinaison de formes et de couleurs, un détail, la partie visible d’un objet, etc. On se contente de les contempler sans rien échafauder mentalement à partir de ce qu’on voit, on s’en tient à la simple apparence visible.
On observe de la même façon la faculté d’entendre (sa localisation, son acuité) et les sons, la faculté de sentir et les odeurs, la faculté de goûter (dont la situation change un peu selon les saveurs) et les saveurs, la faculté de ressentir les touchers – elle est disséminée en de nombreux endroits du corps – et les touchers, lesquels présentent de multiples aspects : contact des vêtements sur le corps, des parties du corps entre elles, contacts avec des objets divers, toucher de l’air dans le nez lors de la respiration, fourmillements, démangeaisons, battements du cœur, sensation de faim ou de soif, sensation de fièvre, et bien d’autres choses encore.
Il faut ensuite observer les éléments non physiques, qui sont plus difficiles à bien discerner. Si l’on n’y parvient pas immédiatement parce qu’ils sont trop subtils, il faut reprendre l’examen des éléments physiques aussi longtemps que nécessaire pour acquérir une excellente acuité de conscience avant de passer avec succès à l’observation des facteurs non physiques.
Que faut-il contempler ? D’abord des éléments non physiques importants tels que la connaissance-conscience. Par exemple, quand on observe un toucher, il se peut que l’on voie la conscience qu’on a de ce toucher, c’est-à-dire le fait d’être conscient du toucher ainsi que la qualité de cette connaissance, laquelle peut comporter de l’attachement, de l’aversion, de la confusion, une plus ou moins bonne concentration, etc.
Ou il se peut que devienne bien nette la « rencontre » entre le toucher, la faculté de sentir le toucher et la conscience du toucher. Ou encore on verra clairement le type de ressenti associé au toucher : agréable (sukha), désagréable (dukkha), ou neutre.
Et l’on prolongera cet exercice avec les autres éléments non physiques, par exemple les facteurs qui peuvent accompagner la « rencontre » : les intentions, la joie, le ravissement, l’énergie, la conviction, la détermination, la souplesse d’esprit, la tranquillité, etc. Il faudra observer chaque facteur attentivement afin de l’identifier parfaitement.
Ensuite, on pourra regrouper sans erreur les éléments physiques d’un côté et les non physiques (psychiques) de l’autre, et voir qu’en dehors de ce physique et de ce psychique il n’y a pas d’être, de personne ou d’individu. Quand on examine les éléments de l’expérience un par un, on n’en trouve aucun que l’on puisse considérer comme un être, ou qui permette de dire « je » ou « je suis ».
Si, au contraire, on croit à l’existence d’un être, on doit admettre, soit que cet être sera détruit un jour – et on croit à son anéantissement –, soit qu’il ne sera jamais détruit, et l’on rejoint la croyance à l’éternité.
Le physique seul n’a pas de conscience, il ne peut manger, boire ou parler par lui-même, et le psychique seul ne peut pas le faire non plus, mais quand ils s’aident l’un l’autre, on a l’impression qu’un être mange, boit ou parle. De même, un aveugle ne peut voir où il va, un paralytique est incapable de se déplacer, mais si le paralytique monte sur les épaules de l’aveugle et le dirige, ils peuvent aller ensemble où ils veulent.
« Vision exacte » signifie percevoir le physique et le psychique dans leur réalité en surmontant la perception d’une personne.
Toutes ces données demandent à être observées directement, finement, dans l’instant. Sinon, il ne s’agit que d’une compréhension intellectuelle, non fondée sur l’expérience, et donc incertaine et contestable.
Une fois le physique et le psychique clairement identifiés, il faut en rechercher les origines. Ils ne sont pas dépourvus de causes, car ils ne sont pas les mêmes pour tous et diffèrent d’un moment à l’autre.
Au tout début de la vie, le physique est dû à des conditions antérieures : la confusion et l’aveuglement (avijjā) ont voilé la nature réelle des situations vécues, les intentions (cetanā) accumulées ont été associées à des désirs, à des attachements, et ont débouché sur des actions répétées, bénéfiques ou pernicieuses, qui ont conditionné le physique de l’existence présente.
Par la suite, le physique est alimenté par la nourriture, laquelle modifie son apparence en la faisant évoluer, et cause des sensations liées à la faim, à la digestion, à la satiété, etc.
Les états de conscience sont à l’origine de mouvements, de changements de posture et d’inflexions dans la voix, ainsi que d’aspects physiques dus à la joie, à la tristesse, à la sérénité, à la peur, à l’amour, à la haine, etc.
Le chaud et le froid aussi causent des manifestations physiques variées : transpiration, fièvre, frissons, etc.
Telles sont les conditions qui régissent le physique.
Quant au psychique, il dépend en général des cinq sens physiques, de la faculté cognitive et des six sortes d’objets correspondants : visibles, audibles, odorants, sapides, tangibles et connaissables. Il faut qu’il y ait la faculté de voir et des apparences visibles pour qu’apparaisse une conscience visuelle… Il faut qu’il y ait la faculté cognitive et des connaissables pour qu’apparaisse une conscience mentale. Et de nombreux facteurs non physiques accompagnent ces consciences.
Ainsi comprend-on que, dans toutes les formes d’existence, il n’y a que du physique et du psychique par enchaînement de causes et d’effets, et qu’on ne trouve pas d’acteur dans les actions ni de bénéficiaire des effets de l’action. Rien ne transmigre d’une existence à l’autre, mais les éléments présents n’existeraient pas s’il n’y avait pas eu les éléments passés. Et il devient clair que rien n’apparaît sans cause, que rien n’est produit par une seule cause, mais que tout est dû à des causes multiples. Si toutes les conditions sont réunies, l’effet se produit. S’il en manque une seule, cet effet n’existe pas.
« Ai-je existé dans le passé ? Si oui, qu’ai-je été ? Par quelles étapes suis-je passé ? – Existerai-je dans l’avenir ? Que serai-je ? Par quelles étapes vais-je passer ? – Suis-je à présent ? Ne suis-je pas ? Que suis-je ? D’où viens-je ? Où vais-je ? » Si l’on a bien examiné tout ce qui précède, ce type de questionnement est maintenant résolu.
Et en voyant toutes choses sous l’angle de leur début et de leur fin, de leur naissance et de leur mort, on pénètre de mieux en mieux les conditions du physique et du psychique.
Il faut maintenant observer attentivement les caractéristiques communes à tous les éléments, physiques et non physiques.
On considère en premier lieu les éléments physiques et on en examine le caractère temporaire : ils sont tous délimités par leur début et leur fin, ils apparaissent, ne durent qu’un temps et disparaissent, ils sont fragiles, instables, éphémères, périssables.
Il est évident, à l’échelle de la vie, que le physique est temporaire, car on voit bien que le corps change : le vieillard n’a pas le même que l’adulte, dont le physique est différent de celui de l’enfant, lequel n’a pas le corps d’un bébé.
De façon plus subtile, les éléments corporels changent d’un moment à l’autre, par exemple lors des mouvements. On peut y observer, instant après instant, des variations dans les touchers, les bruits produits, les odeurs, ce que l’on voit, etc. Chaque élément physique dure très peu, il apparaît et disparaît.
Les apparitions et disparitions incessantes forment un processus de changement perpétuel qui, examiné en profondeur, apparaît comme insatisfaisant, désagréable (dukkha), voire insupportable. Et les éléments eux-mêmes, limités comme ils le sont par leur début et leur fin, ne sont pas permanents, défaut qui les fait paraître désagréables. Ainsi observe-t-on le caractère insatisfaisant du physique.
De plus, ce qui apparaît, disparaît et change constamment ne peut être pris pour une entité permanente, indépendante, pour une personne. Aucun des éléments n’est une telle entité, et aucun n’appartient à une personne, car on ne trouve celle-ci nulle part. En outre, les éléments ne sont pas maîtrisables, car quand les conditions sont réunies, l’élément apparaît et rien ne peut l’empêcher. Mais si les conditions ne sont pas rassemblées, il ne se produit pas et rien ne peut faire en sorte qu’il se manifeste. Ainsi prend-on conscience du caractère impersonnel de tous les éléments physiques.
Ces trois caractéristiques sont communes à tous les éléments physiques.
On trouve les trois mêmes dans les éléments non physiques, en particulier dans ceux qui sont présents dans toutes les expériences : la rencontre (entre la faculté de percevoir, l’objet perçu et la conscience de l’objet), le type de ressenti (agréable, désagréable ou neutre), la perception (de l’objet) et l’intention (de percevoir l’objet).
On examine à tour de rôle leur caractère temporaire, insatisfaisant et impersonnel, catégorie par catégorie.
Mais quand on en arrive aux états de conscience, il faut partir d’un premier état qui observe l’un ou l’autre des caractères du physique, un deuxième observe le premier et ses caractéristiques (temporaire, insatisfaisant et impersonnel), puis un troisième le deuxième, et ainsi de suite dans une séquence qui peut aller jusqu’au dixième en train de connaître le neuvième.
Il faut encore voir ces mêmes caractéristiques en toutes choses, inanimées comme animées.
En pensant que je contemple les éléments, on souscrit à la croyance en je. Mais on la détruit en observant que ce sont des éléments qui en contemplent d’autres.
Contempler le caractère temporaire élimine la perception de permanence. Observer le caractère insatisfaisant détruit le sentiment que la vie est agréable. Prêter attention au caractère impersonnel exclut la croyance en l’existence d’une personne.
Ensuite, on se concentre, pour tous les éléments, seulement sur leur apparition et leur disparition. Quand ils naissent, les éléments ne viennent pas d’un stock préexistant. Quand ils disparaissent, ils ne s’entassent pas dans quelque dépôt. Ils apparaissent sans avoir existé auparavant, et disparaissent totalement après avoir existé. Quand les conditions sont réunies, l’élément apparaît. Quand elles cessent, il disparaît. En résumé, seul ce qui est voué à disparition apparaît, et ce qui apparaît va vers sa disparition.
Lorsqu’on voit l’apparition, on comprend que ce sont des choses toujours nouvelles qui apparaissent. Quand on contemple l’apparition avec ses conditions, on réalise que l’enchaînement des causes et des effets empêche la succession des instants de s’interrompre. Quand on voit l’apparition et la disparition avec leurs conditions, on saisit que les éléments n’ont aucun pouvoir en propre. Lorsqu’on observe la disparition avec ses conditions, on réalise que l’effet cesse quand les conditions cessent, et l’on comprend de quelle façon l’effet peut être stoppé.
Pendant que l’on fournit des efforts pour pénétrer tous ces points, des phénomènes merveilleux peuvent se manifester, si sublimes qu’on peut les prendre pour l’accomplissement ultime. Mais il faut alors observer qu’eux aussi sont temporaires, donc insatisfaisants, conditionnés, sujets à destruction, et s’en détacher : « Ces phénomènes ne sont pas le chemin ni le but ». Le juste chemin consiste en une contemplation de l’apparition et de la disparition libérée des manifestations extraordinaires.
Quand on s’est défait de toute manifestation merveilleuse et qu’on observe attentivement l’apparition et la disparition des éléments physiques et psychiques, les instants se succèdent à un rythme accéléré. Il faut alors cesser de considérer le début, le maintien, le processus ou les éléments, mais prêter attention uniquement à la disparition.
Dans ce contexte, quand on est conscient d’un élément physique et que celui-ci cesse, la connaissance qu’on en a cesse aussi. L’observation répétée de cette double disparition met en évidence le caractère temporaire, et donc insatisfaisant et impersonnel, de toutes choses.
À force de voir encore et toujours ces destructions, tous les éléments de l’expérience en viennent à paraître terrifiants et dangereux, et on en est dégoûté.
Or la disparition n’est possible que parce qu’il y a eu apparition, et celle-ci semble donc à son tour être terrifiante et dangereuse. En revanche, l’absence d’apparition est vue comme un refuge sûr et paisible. On est alors désenchanté de tous les éléments temporaires, on ne s’y attache plus, on ne désire que s’en détacher et s’en libérer.
On voit encore plus clairement que rien de physique ou de psychique n’est je ou mien, permanent ou solide, éternel ou immuable. On devient indifférent à tout, neutre, sans que subsiste aucune crainte ni aucun désir. On se détourne du monde conditionné et, si la connaissance atteint alors la paix de « l’inconditionné », elle s’y jette. Sinon, il faut continuer à considérer les trois caractéristiques.
Le saut dans « l’inconditionné » éradique définitivement toute forme d’attachement, d’aversion ou d’illusion qui n’avait pas encore été détruite.
Le saut dans l’inconditionné présente des aspects légèrement différents selon la façon dont le chemin a été parcouru, mais l’inconditionné, lui, est toujours une paix parfaite, incréée, éternelle, non composée, qui ne naît pas, ne change pas, ne vieillit pas, ne meurt pas et ne crée rien.
Le monde conditionné était temporaire, insatisfaisant et impersonnel, tandis que l’inconditionné est permanent et satisfaisant, mais toujours impersonnel. Il n’y a plus aucun élément conditionné, plus aucun germe de changement, et il ne reste qu’abandon, lâcher-prise et délivrance. L’arrêt de tout processus est définitif.
Origine : Texte basé sur les Écritures palies
Auteur : Christian Maës
Mise à jour : 25 févr. 2011