Cliquez ici pour afficher normalement la page (avec mise en forme et graphisme). Si ça ne fonctionne pas, vérifiez que votre navigateur accepte JavaScript et supporte les CSS. Nous vous recommandons un navigateur respectant les standards, tel que : Google Chrome, Firefox, Safari…

Vous êtes ici : accueil > souttas > majjhima nikāya > dhammadāyāda sutta
MN 3 - dhammadāyāda sutta

Le récit des héritiers du Dhamma

Maître Gotama et la communauté monastique avaient reçu beaucoup d’offrandes – robes, nourriture, logement et médicaments –, et l’on pouvait craindre que certains moines ne s’attachent à ces biens matériels, et mêmes qu’ils soient tentés d’en acquérir davantage.

Ainsi ai-je entendu.

En ce temps-là le Bienheureux séjournait, près de Sāvatthi, dans le parc Anāthapiṇḍika du bois Jéta.

En cette circonstance le Bienheureux s’adressa aux moines :

— Moines !

— Oui, Maître, lui répondirent les moines.

Le Bienheureux leur dit ceci :

— Soyez, moines, les héritiers de mon Dhamma et non les héritiers des biens temporels. C’est par compassion pour vous que je conseille à mes disciples d’hériter de mon Dhamma et non des biens temporels.

Si vous étiez, moines, les héritiers des biens temporels et non les héritiers de mon Dhamma, on pourrait dire de vous : « Les disciples du Maître se comportent comme les héritiers des biens temporels et non comme les héritiers de son Dhamma ». Et l’on pourrait dire de moi : « Les disciples du Maître se comportent comme les héritiers des biens temporels et non comme les héritiers de son Dhamma(*) ».

Ce reproche s’adresse aux maîtres qui ne savent pas éduquer leurs disciples, ils ressemblent aux parents qui élèvent mal leurs enfants.

Mais si vous êtes, moines, les héritiers de mon Dhamma et non des biens temporels, on ne pourra pas vous faire ce reproche, ni à moi.

Par conséquent, moines, soyez les héritiers de mon Dhamma et non des biens temporels. C’est par compassion pour vous que je conseille à mes disciples d’hériter de mon Dhamma et non des biens temporels.

Imaginons, moines, que je vienne de manger, que je sois satisfait, rassasié, repu et content, que ma faim soit assouvie, qu’il me reste un excédent de nourriture destiné à être jeté et que viennent deux moines affaiblis par la faim. Je pourrais leur dire : « Je viens de manger, moines, je suis satisfait, rassasié, repu et content, il me reste cet excédent de nourriture destiné à être jeté. Mangez-le si vous le souhaitez. Si vous ne le mangez pas, je vais le mettre sur un sol dépourvu d’herbes courtes ou le plonger dans une eau sans vie(*). »

L’acidité de la nourriture pourrait détruire les herbes courtes. Pour préserver la végétation, le moine doit donc jeter le surplus sur un sol nu ou dans des herbes hautes qui ne souffriront pas de cet apport.

Dans une flaque d’eau, la nourriture peut tuer les minuscules insectes qui y vivent, non dans un grand lac. Or le moine doit se soucier de toute forme de vie. « Sans vie », indique l’intention de ne tuer aucun être.

L’un des moines pourrait penser : « Le Bienheureux vient de manger, il est satisfait, rassasié, repu et content, sa faim est assouvie et il lui reste un excédent qui va être jeté. Si nous ne le mangeons pas, il va le mettre sur un sol dépourvu d’herbes courtes ou le plonger dans une eau sans vie. Mais le Bienheureux a conseillé d’hériter de son Dhamma et non de biens temporels. Or la nourriture est un bien temporel. Je ferais mieux de m’abstenir de cette nourriture et de passer ainsi une nuit et un jour en acceptant la faiblesse due à la faim. » Il se retiendrait donc de manger cette nourriture et passerait une nuit et un jour en acceptant la faiblesse due à la faim.

L’autre moine, lui, pourrait penser : « Le Bienheureux vient de manger, il est satisfait, rassasié, repu et content, sa faim est assouvie et il lui reste un excédent qui va être jeté. Si nous ne le mangeons pas, il va le mettre sur un sol dépourvu d’herbes courtes ou le plonger dans une eau sans vie. Je ferais mieux de manger cette nourriture pour chasser la faiblesse due à la faim et de passer ainsi la nuit et le jour. » Il mangerait donc cette nourriture, chasserait la faiblesse due à la faim et passerait ainsi la nuit et le jour.

Le premier moine mérite plus de louanges et d’éloges que celui qui mange la nourriture, chasse la faiblesse due à la faim et passe ainsi la nuit et le jour. Pourquoi ? Parce qu’ainsi il aura pendant longtemps peu de désirs, sera facilement satisfait, frugal, facile à nourrir et capable d’efforts.

Par conséquent, moines, soyez les héritiers de mon Dhamma et non des biens temporels. C’est par compassion pour vous que je conseille à mes disciples d’hériter de mon Dhamma et non des biens temporels.

Ainsi parla le Bienheureux.

Puis le Bien-allé(*) se leva et rentra dans son logement.

Bien-allé, sugata : une épithète justifiée par le fait qu’il est bien (su) allé (gata) jusqu’au but ultime.

Le Bienheureux était parti depuis peu quand le Vénérable Sāriputta s’adressa à son tour aux moines :

— Moines, mes amis !

— Oui, mon ami, lui répondirent les moines.

Le Vénérable Sāriputta leur demanda :

— Dans quelle mesure les disciples du Bienheureux qui demeure dans la solitude ne cultivent-ils pas la solitude ? Et dans quelle mesure la cultivent-ils ?

— Nous viendrions de loin, mon ami, pour apprendre de la bouche du Vénérable Sāriputta le sens de ces paroles. Il serait bon que le Vénérable Sāriputta en révèle le sens, les moines pourront entendre son explication et la retenir.

— Alors, mes amis, écoutez et faites bien attention, je vais parler.

— Bien, mon ami, répondirent les moines.

Et le Vénérable Sāriputta dit ceci :

— Ici, mes amis, certains disciples du Maître qui demeure dans la solitude ne cultivent pas la solitude, ils n’éliminent pas les facteurs que le Maître enjoint d’éliminer, ils accumulent beaucoup, sont relâchés, butent sur les obstacles et abandonnent la tâche d’atteindre la solitude(*).

Il y a trois sortes de solitude selon que l’on s’isole physiquement, spirituellement, ou que l’on s’isole de la tromperie que représentent les 5 ensembles (khandhā). Les moines qui ne cultivent aucune de ces solitudes héritent seulement des biens temporels. Les disciples qui ne se retirent pas dans des lieux isolés et n’abandonnent pas les monastères de ville ne cultivent pas la solitude physique. Ceux qui n’éliminent pas la convoitise, l’aversion et les autres akusala ne cultivent pas la solitude de l’esprit, ils ne peuvent écarter l’élan sensoriel, l’aversion, l’engourdissement, l’agitation et l’hésitation qui font obstacle à la concentration. Ils abandonnent l’intention d’atteindre le dénouement, lequel est totalement isolé du socle trompeur des 5 ensembles.

S’il s’agit de moines confirmés, ils sont à blâmer pour trois raisons. En effet ces disciples du Maître qui demeure dans la solitude ne cultivent pas la solitude, telle est la première raison pour laquelle ces moines confirmés sont à blâmer. Ensuite ils n’éliminent pas les facteurs que le Maître enjoint d’éliminer, telle est la deuxième raison pour laquelle ces moines confirmés sont à blâmer. Enfin, ils accumulent beaucoup, sont relâchés, butent sur les obstacles et abandonnent la tâche d’atteindre la solitude, telle est la troisième raison pour laquelle ces moines confirmés sont à blâmer.

S’il s’agit de moines d’ancienneté moyenne, ils sont à blâmer pour les trois mêmes raisons…

Et s’il s’agit de nouveaux moines, ils sont à blâmer pour les trois mêmes raisons…

Voilà, mes amis, dans quelle mesure certains disciples du Maître qui demeure dans la solitude ne cultivent pas la solitude.

Et dans quelle mesure, moines, les disciples du Bienheureux qui demeure dans la solitude cultivent-ils la solitude ?

Ici, mes amis, les disciples du Maître qui demeure dans la solitude cultivent la solitude, ils éliminent les facteurs que le Maître enjoint d’éliminer, ils n’accumulent pas, ne sont pas relâchés, dépassent les obstacles et vont vers la solitude.

Qu’il s’agisse de moines confirmés… de moines d’ancienneté moyenne… ou de nouveaux moines, ils sont tous à louer pour trois raisons : parce qu’ils cultivent la solitude, parce qu’ils éliminent les facteurs que le Maître enjoint d’éliminer, parce qu’ils n’accumulent pas, ne sont pas relâchés, dépassent les obstacles et vont vers la solitude. Telles sont les trois raisons pour lesquelles ces moines sont à louer.

Voilà, mes amis, dans quelle mesure les disciples du Maître qui demeure dans la solitude cultivent la solitude.

Et dans ce cas, mes amis, la convoitise est mauvaise et l’aversion est mauvaise(*). Pour éliminer la convoitise et l’aversion, il y a la voie médiane qui fait voir et connaître (les vérités), qui calme (la convoitise et l’aversion), qui mène à la connaissance directe, à la réalisation, au dénouement.

Le Vénérable Sāriputta détaille à présent les akusala que doivent éliminer les disciples qui cultivent la solitude. La voie médiane évite d’un côté la convoitise, et de l’autre l’aversion.

Et quelle est cette voie médiane qui fait voir et connaître, qui calme et qui mène à la connaissance directe, à la réalisation, au dénouement ? C’est l’octuple chemin immaculé(*) : vision juste, dessein juste, parole juste, action juste, mode de subsistance juste, effort juste, vigilance juste et concentration juste.

Quant à la façon de parcourir l’octuple chemin, le commentaire remarque qu’on peut développer d’abord la quiétude (samatha) puis la supravoyance (vipassanā), ou d’abord la supravoyance puis la quiétude. Certains atteignent d’abord la concentration de proximité ou la concentration d’insertion qui représentent la quiétude, puis ils « supravoient » le caractère temporaire (anicca), le caractère désagréable et l’absence de moi-autonome dans les facteurs associés à la concentration. Ainsi arrivent-ils au chemin. D’autres « supravoient » d’abord le caractère temporaire, le caractère désagréable et l’absence de moi-autonome dans les cinq ensembles saisis (khandhā). Quand ils ont atteint la plénitude de cette supravoyance, ils focalisent leur attention sur l’objet alors perçu, et cela représente la quiétude. Ainsi arrivent-ils au chemin. Ensuite, dans les deux cas, en passant et repassant beaucoup par le chemin, ils détruisent toutes les chaînes. Et à l’instant du chemin supra-mondain, quiétude et supravoyance sont toujours couplées sans que l’une ne surpasse l’autre.

De plus, mes amis, la colère est mauvaise et le ressentiment est mauvais…

L’ingratitude est mauvaise et la rivalité est mauvaise…

La jalousie est mauvaise et le refus de partager est mauvais…

La dissimulation est mauvaise et l’hypocrisie est mauvaise…

L’obstination est mauvaise et l’esprit de compétition est mauvais…

Se surestimer est mauvais et se sous-estimer est mauvais…

L’infatuation est mauvaise et l’insouciance est mauvaise. Pour éliminer l’infatuation et l’insouciance, il y a la voie médiane qui fait voir et connaître, qui calme, qui mène à la connaissance directe, à la réalisation, au dénouement.

Et quelle est cette voie médiane qui fait voir et connaître, qui calme et qui mène à la connaissance directe, à la réalisation, au dénouement ? C’est l’octuple chemin immaculé : vision juste, dessein juste, parole juste, action juste, mode de subsistance juste, effort juste, vigilance juste et concentration juste.

Ainsi parla le Vénérable Sāriputta.

Les moines furent satisfaits des paroles du Vénérable Sāriputta et ils s’en réjouirent.

infos sur cette page

Origine : Enseignements et discussions entre Bouddha, ses disciples, ses antagonistes… (Nord de l’Inde actuelle)

Date : Ve siècle avant notre ère

Traducteur : Christian Maës

Mise à jour : 25 févr. 2011