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Il circulait des croyances relatives à la personne : la personne se confond avec son corps, elle est contenue dans le corps, elle émane du corps, ou elle possède un corps ; et les 4 mêmes formulations avec le ressenti (vedanā), la perception (saññā), les composants psychiques et l’état de conscience (citta). On trouvait aussi des croyances selon lesquelles le monde est éternel, ou temporaire (anicca), fini, ou infini. Certains disciples du Vénérable Mahā Cunda s’imaginaient pouvoir éliminer ces croyances par une simple prise en considération, avant même d’avoir atteint l’entrée dans le courant (sotāpatti). D’autres, qui maîtrisaient l’un ou l’autre des jhāna mais n’avaient pas atteint l’entrée dans le courant, pensaient à tort avoir effacé les souillures (kilesa) de l’esprit parce que l’état paisible du jhāna leur en cachait l’existence. Mais pour effacer ces souillures, il faut pratiquer la supravoyance (vipassanā) et atteindre l’entrée dans le courant. Le Vénérable Cunda vint trouver maître Gotama pour que ses disciples perdent leurs illusions.
Ainsi ai-je entendu.
En ce temps-là le Bienheureux séjournait, près de Sāvatthi, dans le parc Anāthāpiṇḍika du bois Jéta.
Un soir, le Vénérable Mahā Cunda émergea de la solitude et vint trouver le Bienheureux. Il salua le Bienheureux en arrivant et s’assit convenablement. Une fois bien assis, le vénérable demanda au Bienheureux :
— Des croyances variées sont présentes dans le monde, Maître. Elles concernent soit la personne, soit le monde. Est-ce dès le début qu’un moine qui les prend en considération peut éliminer ces croyances, qu’il peut s’en défaire ?
— En effet, Cunda, des croyances variées sont présentes dans le monde. Elles concernent soit la personne, soit le monde. C’est en voyant véritablement, avec une juste sagacité (pañña), de quoi elles naissent, où elles s’ancrent et où elles s’expriment(*) qu’on peut éliminer ces croyances – « ceci n’est pas à moi, je ne suis pas ceci, ceci n’est pas mon moi-autonome » – et qu’on peut s’en défaire totalement.
La sagacité (pañña) de la supravoyance. Ces croyances naissent relativement aux cinq ensembles (khandhā) qui en sont l’objet, et c’est là qu’elles s’ancrent. Elles s’expriment par la parole et par l’action. Elles s’éliminent ainsi : « ce physique n’est pas à moi, je ne suis pas ce physique, ce physique n’est pas mon moi-autonome », qui s’opposent aux pensées de désirs, aux appréciations et aux croyances. On ne s’en défait vraiment que par le chemin d’entrée dans le courant, à l’apogée et de la supravoyance.
Il arrive, Cunda, qu’en s’isolant du sensoriel, en s’isolant des akusala, un moine accède au premier jhāna – lequel comporte prise-ferme (vitakka) et application-soutenue (vicāra), et consiste en un ravissement-félicité (pīti) né de l’isolement –, y demeure et croit alors demeurer dans l’effacement. Mais dans l’entraînement de l’Immaculé (ariyā), cela ne s’appelle pas effacement, cela s’appelle état heureux dans la réalité présente.
Il arrive aussi que, par la disparition de la prise-ferme et de l’application-soutenue, un moine accède au deuxième jhāna – lequel consiste en assurance-sereine et en élévation unique de l’esprit, est dépourvu de prise-ferme et d’application-soutenue, et consiste en un ravissement-félicité né de la concentration –, y demeure et croit demeurer dans l’effacement. Mais dans l’entraînement de l’Immaculé, cela ne s’appelle pas effacement, cela s’appelle état heureux dans la réalité présente.
Il arrive encore qu’en se détachant aussi du ravissement, un moine maintienne l’équanimité (upekkhā). Vigilant et pleinement conscient, il ressent physiquement le bonheur et accède à ce troisième jhāna à propos duquel les Immaculés déclarent « il reste neutre et vigilant dans le bonheur », il y demeure et croit demeurer dans l’effacement. Mais dans l’entraînement de l’Immaculé, cela ne s’appelle pas effacement, cela s’appelle état heureux dans la réalité présente.
Il arrive aussi que, par l’élimination du plaisir et l’élimination de la douleur, par la disparition antérieure des satisfactions et des insatisfactions, un moine accède au quatrième jhāna – lequel n’est n’y désagréable ni agréable, et consiste en pureté de la vigilance par l’équanimité –, y demeure et croit demeurer dans l’effacement. Mais dans l’entraînement de l’Immaculé, cela ne s’appelle pas effacement, cela s’appelle état heureux dans la réalité présente.
Il arrive encore qu’en transcendant totalement les perceptions physiques pures, en supprimant les perceptions-chocs, en ne prêtant plus attention aux perceptions diverses, un moine accède au domaine de l’espace infini(*) – « infini est l’espace » –, y demeure et croit demeurer dans l’effacement. Mais dans l’entraînement de l’Immaculé, cela ne s’appelle pas effacement, cela s’appelle état paisible.
Les 4 domaines infinis sont expliqués en détail dans le chapitre X du Visuddhimagga.
Il arrive aussi qu’en transcendant totalement le domaine de l’espace infini, un moine accède au domaine de la conscience infinie – « infinie est la conscience » –, y demeure et croit demeurer dans l’effacement. Mais dans l’entraînement de l’Immaculé, cela ne s’appelle pas effacement, cela s’appelle état paisible.
Il arrive encore qu’en transcendant totalement le domaine de la conscience infinie, un moine accède au domaine du néant – « il n’y a rien » –, y demeure et croit demeurer dans l’effacement. Mais dans l’entraînement de l’Immaculé, cela ne s’appelle pas effacement, cela s’appelle état paisible.
Il arrive enfin qu’en transcendant totalement le domaine du néant, un moine accède au domaine sans perception ni absence de perception, y demeure et croit demeurer dans l’effacement. Mais dans l’entraînement de l’Immaculé, cela ne s’appelle pas effacement, cela s’appelle état paisible.
Voici en revanche, Cunda, comment vous devez réaliser l’effacement :
Là où d’autres se montreraient violents, nous, nous éviterons la violence(*).
Effacement lorsque la non-violence efface la violence.
Là où d’autres détruiraient le souffle vital, nous, nous éviterons de détruire le souffle vital ».
Là où d’autres prendraient ce qui ne leur est pas donné, nous, nous éviterons de prendre ce qui ne nous est pas donné ».
Là où d’autres auraient des relations sexuelles, nous, nous éviterons les relations sexuelles ».
Là où d’autres mentiraient, nous, nous éviterons de mentir ».
Là où d’autres parleraient avec malveillance, nous, nous éviterons de parler avec malveillance ».
Là où d’autres diraient des paroles blessantes, nous, nous éviterons d’émettre des paroles blessantes ».
Là où d’autres bavarderaient, nous, nous éviterons de bavarder ».
Là où d’autres seraient pleins de convoitise, nous, nous resterons sans convoitise ».
Là où d’autres auraient un sentiment d’aversion, nous, nous garderons notre esprit de toute aversion ».
Là où d’autres nourriraient des croyances erronées, nous, nous aurons une vision juste ».
Là où d’autres nourriraient un dessein erroné, nous, nous aurons un dessein juste ».
Là où d’autres diraient une parole erronée, nous, nous dirons une parole juste ».
Là où d’autres agiraient incorrectement, nous, nous agirons correctement ».
Là où d’autres adopteraient un mode de subsistance erroné, nous, nous subsisterons de façon juste ».
Là où d’autres fourniraient un effort erroné, nous, nous produirons un effort juste ».
Là où d’autres auraient une vigilance erronée, nous, nous maintiendrons une vigilance juste ».
Là où d’autres auraient une concentration erronée, nous, nous aurons une concentration juste ».
Là où d’autres auraient une connaissance erronée, nous, nous aurons une connaissance juste ».
Là où d’autres auraient une délivrance erronée, nous, nous aurons une délivrance juste ».
Là où d’autres seraient envahis par l’engourdissement et la torpeur, nous, nous resterons sans engourdissement ni torpeur ».
Là où d’autres seraient agités, nous, nous resterons sans aucune agitation ».
Là où d’autres hésiteraient, nous, nous n’hésiterons pas ».
Là où d’autres se mettraient en colère, nous, nous résisterons à la colère ».
Là où d’autres auraient du ressentiment, nous, nous n’aurons pas de ressentiment ».
Là où d’autres seraient ingrats, nous, nous ne serons pas ingrats ».
Là où d’autres auraient un esprit de rivalité, nous, nous n’aurons pas de rivalité ».
Là où d’autres auraient de la jalousie, nous, nous ne serons pas jaloux ».
Là où d’autres ne voudraient pas partager, nous, nous partagerons ».
Là où d’autres simuleraient, nous, nous ne simulerons pas ».
Là où d’autres dissimuleraient, nous, nous ne cacherons rien ».
Là où d’autres feraient preuve d’obstination, nous, nous ne serons pas obstinés ».
Là où d’autres sous-estimeraient, nous, nous ne sous-estimerons pas ».
Là où d’autres seraient rétifs, nous, nous serons dociles ».
Là où d’autres seraient de mauvais amis, nous, nous serons de bons amis ».
Là où d’autres seraient insouciants, nous, nous serons attentifs ».
Là où d’autres seraient incrédules, nous, nous serons convaincus ».
Là où d’autres manqueraient de retenue, nous, nous aurons de la retenue ».
Là où d’autres manqueraient de respect humain, nous, nous aurons du respect humain ».
Là où d’autres resteraient ignorants, nous, nous nous instruirons ».
Là où d’autres seraient indolents, nous, nous serons énergiques ».
Là où d’autres seraient distraits, nous, nous serons vigilants ».
Là où d’autres feraient preuve de sottise, nous, nous serons sagaces ».
Là où d’autres se méprendraient sur ce qu’ils voient, percevraient une solidité et ne lâcheraient pas prise, nous, nous ne nous méprendrons pas sur ce que nous voyons, nous ne percevrons pas de solidité et nous lâcherons prise ».
C’est ainsi que vous devez réaliser l’effacement.
J’affirme, Cunda, que les idées agissent fortement sur les facteurs mentaux bénéfiques, et tout autant sur leurs conséquences physiques et verbales. Voilà pourquoi il faut avoir ces idées : « Là où d’autres se montreraient violents, nous, nous éviterons la violence »… (reprise des 44 résolutions)
Quand un chemin est périlleux, Cunda, on emprunte un autre chemin, plus facile. Quand un gué est dangereux, on passe par un autre gué, plus sûr. De même, la non-violence permet à l’Homme Véritable d’éviter la violence… (reprise des 44 mêmes)
Tous les akusala, Cunda, mènent aux existences inférieures, et tous les kusala aux existences supérieures(*). Ainsi, pour l’Homme Véritable qui serait tenté par la violence, la non-violence permet d’accéder aux existences supérieures… (reprise des 44 mêmes)
Les akusala conditionnent les existences inférieures lors des renaissances. Puis, au cours de l’existence, ils provoquent des états résultants désagréables. Au contraire, les kusala causent des existences supérieures et des états résultants agréables.
Assurément, Cunda, quand on est plongé dans le bourbier des sens, on ne peut pas en tirer ceux qui y sont enlisés. Mais quand on n’y est pas plongé, on peut en tirer ceux qui y sont enlisés. Assurément, Cunda, quand on n’est pas soi-même discipliné, éduqué et qu’on n’a pas atteint le complet dénouement, on ne peut pas discipliner les autres, les éduquer ni les mener au complet dénouement. Mais quand on est soi-même discipliné, éduqué et qu’on a atteint le complet dénouement, on peut discipliner les autres, les éduquer et les mener au complet dénouement.
De même, Cunda, la non-violence de l’Homme Véritable peut effacer totalement la violence… (de nouveau les 44 mêmes)
Voilà, Cunda, comment j’enseigne la voie de l’effacement, comment j’enseigne la voie des idées, comment j’enseigne la voie de l’évitement, comment j’enseigne la voie des existences supérieures et comment j’enseigne la voie de l’effacement total. Ce qu’un maître doit faire avec compassion pour le bonheur de ses disciples, par compassion je l’ai fait pour vous. Voici les pieds des arbres, moines, voici les solitudes. Pratiquez la contemplation, ne tombez pas dans l’insouciance, n’ayez pas de regrets plus tard. Telles sont les instructions que je vous laisse.
Ainsi parla le Bienheureux.
Le Vénérable Mahā Cunda fut satisfait des paroles du Bienheureux et il s’en réjouit.
Origine : Enseignements et discussions entre Bouddha, ses disciples, ses antagonistes… (Nord de l’Inde actuelle)
Date : Ve siècle avant notre ère
Traducteur : Christian Maës
Mise à jour : 25 févr. 2011