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Le noble Sunakkhatta, un nouveau venu dans la communauté monastique, avait prié le Bienheureux de lui apprendre comment acquérir l’œil divin. Reconnaissant qu’il avait les qualités requises, le Bouddha le lui avait enseigné. Sunakkhatta avait alors vu les jeunes deva jouir des plaisirs divins, et il avait souhaité entendre aussi les sons divins. Il avait donc demandé au Bienheureux de lui révéler la pratique de l’oreille divine, mais le Bouddha avait considéré que Sunakkhatta n’avait pas les qualités nécessaires et il avait refusé. Dépité, Sunakkhatta s’était imaginé que le refus du Bienheureux était dû à la jalousie, au simple refus de partager ou peut-être à la crainte que Sunakkhatta, qui était lui aussi de famille royale, l’égale ou le surpasse. Sunakkhatta avait alors abandonné les robes du renonçant, il était retourné à l’état laïque et s’employait à nuire au Bienheureux. Comme il ne pouvait nier les qualités humaines de ce dernier, il s’en prenait à ses qualités supra-humaines.
Ainsi ai-je entendu.
En ce temps-là le Bienheureux séjournait, près de Vesāli, dans un bois situé à l’ouest de la ville.
À cette époque, Sunakkhatta, un fils des Licchavis, qui était sorti peu avant de ce Dhamma-vinaya(*), déclara en pleine assemblée de Vesālī :
— L’ascète Gotama n’a pas les qualités supra-humaines qui permettent d’atteindre la pureté et l’excellente connaissance-et-vision. L’ascète Gotama enseigne un Dhamma entaché de conjectures, conforme à l’investigation philosophique, fruit de son imagination. Et son Dhamma mène à la juste destruction du désagrément des conjectures, ce pour quoi il est enseigné(**).
* L’Enseignement, Dhamma, pour atteindre les chemins immaculés, et l’entraînement, vinaya, la vertu.
** Sunakkhatta ne dévoilait pas le fond de sa pensée : sa conviction que le Dhamma du Bienheureux ne menait à rien. Mais il craignait les reproches de la foule s’il livrait sa pensée et s’en tenait à une affirmation prudente.
Le Vénérable Sāriputta se vêtit de bon matin, prit son bol et sa robe double, et entra dans Vesāli pour faire sa collecte. Il apprit ce que Sunakkhatta avait déclaré en pleine assemblée de Vesāli. Il parcourut Vesāli en faisant sa collecte de nourriture, mangea son repas, revint de sa collecte et alla trouver le Bienheureux. Il le salua en arrivant et s’assit convenablement. Une fois bien assis, le Vénérable Sāriputta informa le Bienheureux de ce que Sunakkhatta, le fils des Licchavis, qui était sorti peu avant de ce Dhamma-vinaya, avait déclaré en pleine assemblée de Vesāli. Le Bienheureux lui dit :
— Ce sot de Sunakkhatta est furieux, Sāriputta, il a proféré ces paroles par colère. Mais en voulant discréditer le Tathāgata, ce sot de Sunakkhatta en fait l’éloge. Car c’est faire l’éloge du Tathāgata que de dire : « Son Dhamma mène à la juste destruction du désagrément des conjectures, ce pourquoi il est enseigné ».
Mais, Sāriputta, ce sot de Sunakkhatta ne décèlera pas chez moi les qualités suivantes : le Bienheureux est accompli, parfait Bouddha, doué de science et de bonne conduite, bien-allé, connaisseur du monde, suprême, cocher des mâles à dresser, maître des brahmā et des hommes, Bouddha et Maître suprême (Visud VII 2).
De plus, Sāriputta, ce sot de Sunakkhatta ne décèlera pas chez moi la qualité suivante : le Bienheureux maîtrise les réussites multiformes, lesquelles présentent des aspects variés : étant un il devient multiple, étant multiple il redevient un, il rend visible, il rend invisible, il traverse un mur, une enceinte ou une montagne sans être freiné, comme si c’était de l’espace, il émerge de la terre et y plonge comme si c’était de l’eau, il marche sur l’eau sans qu’elle s’ouvre comme si c’était de la terre, il va jambes croisées dans l’espace comme un oiseau ailé, il touche et frotte de la main la lune et le soleil qui sont tellement merveilleux, tellement prodigieux, et il exerce physiquement son pouvoir jusqu’au monde de Brahmā (Visud XII 2).
En outre, Sāriputta, ce sot de Sunakkhatta ne décèlera pas chez moi la capacité suivante : avec l’élément auditif divin purifié et plus qu’humain, le Bienheureux entend les deux types de sons, divins et humains, lointains et proches (Visud XIII 1).
De plus, Sāriputta, ce sot de Sunakkhatta ne décèlera pas chez moi la capacité suivante : le Bienheureux sonde et connaît avec son esprit l’état d’être des autres êtres, des autres individus : il connaît un état d’être avec attachement comme état d’être avec attachement, un état d’être sans attachement… avec aversion… sans aversion… avec confusion… sans confusion… étriqué… dispersé… magnifié… non magnifié… dépassable… indépassable… intensément concentré… non concentré… délivré… un état d’être non délivré comme état d’être non délivré (Visud XIII 8).
Il y a, Sāriputta, chez le Tathāgata les dix pouvoirs du Tathāgata grâce auxquels il est conscient d’avoir la stabilité intrépide d’un grand taureau (lequel, campé sur ses quatre pattes ne craint aucun ennemi), pousse un rugissement de lion au milieu des assemblées et lance la roue sainte(*). Quels sont ces dix pouvoirs ?
La roue sainte, brahmacakka, est synonyme de roue du Dhamma, dhammacakka. Elle comporte deux aspects, la connaissance qui procède de la sagacité et produit le Fruit pour soi-même, et l’enseignement qui procède de la compassion (karuṇa) et guide autrui jusqu’au Fruit.
Ici, Sāriputta, le Tathāgata connaît avec sagacité et véracité une causalité comme une causalité et une non-causalité comme une non-causalité. Cette connaissance sagace et juste constitue pour le Tathāgata une force du Tathāgata grâce à ce pouvoir, le Tathāgata est conscient d’avoir une intrépidité de grand taureau, pousse un rugissement de lion au milieu des assemblées et lance la roue sainte.
En outre, Sāriputta, le Tathāgata connaît avec sagacité et véracité les effets des actions commises dans le passé, dans le futur et dans le présent, vues comme des conditions et des causes. Cette connaissance… est un pouvoir du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir… il lance la roue sainte.
De plus, Sāriputta, le Tathāgata sait avec sagacité et véracité où mène chacune des conduites adoptées. Cette connaissance… est un pouvoir du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir… il lance la roue sainte.
En outre, Sāriputta, le Tathāgata connaît avec sagacité et véracité le monde des éléments multiples et variés(*). Cette connaissance… est une force du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir… il lance la roue sainte.
Les 18 éléments décrits dans le chapitre XV du Visuddhimagga, ou les 3 sphères : sensorielle, physique pure et non physique.
De plus, Sāriputta, le Tathāgata connaît avec sagacité et véracité la variété des résolutions prises par les êtres. Cette connaissance… est une force du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir… il lance la roue sainte.
En outre, Sāriputta, le Tathāgata sait avec sagacité et véracité si les capacités des autres êtres, des autres individus, sont supérieures ou inférieures. Cette connaissance… est une force du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir… il lance la roue sainte.
De plus, Sāriputta, le Tathāgata connaît avec sagacité et véracité la détérioration, le perfectionnement et l’émergence des jhāna, délivrances, concentrations et absorptions contemplatives. Cette connaissance… est un pouvoir du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir… il lance la roue sainte.
En outre, Sāriputta, le Tathāgata se remémore des vies antérieures variés, à savoir une naissance, deux naissances, trois, quatre, cinq, dix, vingt, trente, quarante, cinquante, cent, mille, cent mille naissances, plusieurs ères de destruction, plusieurs ères d’édification, plusieurs ères de destruction et d’édification : « J’eus là tel nom, telle lignée, telle couleur, telle nourriture, je connus tel bonheur et tel malheur, j’eus telle durée de vie. Quand je décédai, je naquis à un endroit où j’eus tel nom, telle lignée, telle couleur, telle nourriture, où je connus tel bonheur et tel malheur, et où j’eus telle durée de vie. Quand je décédai, je naquis ici ». Ainsi se remémore-t-il des vies antérieures variés avec leurs aspects et leurs désignations (Visud XIII 12). Cette connaissance… est une force du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir… il lance la roue sainte.
De plus, Sāriputta, le Tathāgata voit, avec l’œil divin purifié et plus qu’humain, les êtres mourant et renaissant, inférieurs ou supérieurs, beaux ou laids, fortunés ou infortunés. Il reconnaît que le parcours des êtres dépend de leur kamma : « Les êtres qui se conduisent mal physiquement, verbalement et mentalement, qui critiquent les ariyā, qui ont des croyances erronées et qui agissent en ayant des croyances erronées, accèdent, lors de la brisure du corps ou après la mort, à une perdition, une mauvaise destinée, une déchéance, un enfer. Les êtres qui se conduisent bien physiquement, verbalement et mentalement, qui ne critiquent pas les ariyā, qui ont des croyances justes et qui agissent en ayant des croyances justes, accèdent, lors de la brisure du corps ou après la mort, à une bonne destinée, un monde céleste. » C’est ainsi qu’avec l’œil divin… il reconnaît que le parcours des êtres dépend de leur kamma (Visud XIII 71). Cette connaissance… est une force du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir… il lance la roue sainte.
En outre, Sāriputta, par l’élimination des contaminations, le Tathāgata connaît directement, par lui-même, dans la réalité présente, la délivrance spirituelle et la délivrance par la sagacité, non contaminées, il en est le témoin, il y accède et y demeure. Cette connaissance sagace et juste constitue pour le Tathāgata une force du Tathāgata. Grâce à ce pouvoir, le Tathāgata est conscient d’avoir une intrépidité de grand taureau, pousse un rugissement de lion au milieu des assemblées et lance la roue sainte.
Telles sont pour le Tathāgata, Sāriputta, les dix pouvoirs grâce auxquels il est conscient d’avoir la stabilité intrépide d’un grand taureau, pousse un rugissement de lion au milieu des assemblées et lance la roue sainte.
Celui, Sāriputta, qui après m’avoir dit, à moi qui sais et qui vois tout cela : « L’ascète Gotama n’a pas les qualités supra-humaines qui permettent d’atteindre la pureté et l’excellente connaissance-et-vision, l’ascète Gotama enseigne un Dhamma entaché de conjectures, conforme à l’investigation philosophique, fruit de son imagination, et son Dhamma mène à la juste destruction du désagrément des conjectures, ce pourquoi il est enseigné », ne reviendrait pas sur ses paroles, ne renoncerait pas à cet état d’esprit et n’abandonnerait pas cette croyance, celui-là serait emporté et jeté en enfer. Aussi sûrement, Sāriputta, qu’un moine parfaitement discipliné, parfaitement concentré et parfaitement sagace peut accéder à la connaissance ultime dans la réalité présente, aussi sûrement celui qui ne reviendrait pas sur ses paroles, ne renoncerait pas à cet état d’esprit et n’abandonnerait pas cette croyance serait emporté et jeté en enfer, je l’affirme.
Il y a, Sāriputta, quatre assurances du Tathāgata grâce auxquelles il est conscient d’avoir la stabilité intrépide d’un grand taureau, pousse un rugissement de lion au milieu des assemblées et lance la roue sainte. Quelles sont ces quatre assurances ?
Je connais les réalités qui constituent un parfait Bouddha et je n’aperçois aucun signe pouvant laisser penser qu’un ascète, un brahmane, un deva, un Māra, un brahmā ou qui que ce soit dans le monde puisse me rétorquer à juste titre que ces réalités ne sont pas celles de la pleine réalisation. Comme je n’aperçois pas un tel signe, je reste en sécurité, sans crainte et plein d’assurance(*).
Quand le Bienheureux observe qu’il est bien un Bouddha, il est satisfait, et la connaissance associée à cette satisfaction représente l’assurance mentionnée ici.
Je connais, Sāriputta, l’élimination des contaminations et je n’aperçois aucun signe pouvant laisser penser qu’un ascète… puisse me rétorquer à juste titre que ces contaminations ne sont pas éliminées. Comme je n’aperçois pas un tel signe, je reste… plein d’assurance.
Je n’aperçois, Sāriputta, aucun signe pouvant laisser penser qu’un ascète… puisse me rétorquer à juste titre que s’adonner aux réalités-obstacles (relations sexuelles) ne suffit pas à faire obstacle. Comme je n’aperçois pas un tel signe, je reste… plein d’assurance.
Et je n’aperçois, Sāriputta, aucun signe pouvant laisser penser qu’un ascète, un brahmane, un deva, un Māra, un brahmā ou qui que ce soit dans le monde puisse me rétorquer à juste titre que le Dhamma que j’enseigne ne mène pas à la juste destruction du désagrément des conjectures, ce pourquoi il est enseigné. Comme je n’aperçois pas un tel signe, je reste en sécurité, sans crainte et plein d’assurance.
Telles sont, Sāriputta, les quatre assurances du Tathāgata grâce auxquelles il est conscient d’avoir la stabilité intrépide d’un grand taureau, pousse un rugissement de lion au milieu des assemblées et lance la roue sainte.
Celui, Sāriputta, qui après m’avoir dit, à moi qui sais et qui vois tout cela… ne reviendrait pas sur ses paroles… celui-là serait emporté et jeté en enfer, je l’affirme.
Il y a, Sāriputta, huit types d’assemblées. Lesquels ? Il y a les assemblées des nobles, les assemblées des brahmanes, les assemblées des maîtres de maison, les assemblées des ascètes, les assemblées des quatre Grands Rois, les assemblées des deva Trente-trois, les assemblées des Māras et les assemblées des brahmā. Voilà quels sont les huit types d’assemblées. Muni des quatre assurances le Tathāgata se rend à ces huit assemblées et y prend part.
J’ai bien connu, Sāriputta, des centaines d’assemblées de nobles… des centaines d’assemblées de brahmanes… de maîtres de maison… d’ascètes… des quatre Grands Rois… des deva Trente-trois… des Māras… et des centaines d’assemblées des brahmā pour m’y être rendu, m’y être assis, y avoir parlé et y avoir animé des débats. Et je n’aperçois aucun signe pouvant laisser penser qu’une crainte ou un manque d’assurance puisse se faire jour en moi. Comme je n’aperçois pas un tel signe, je reste en sécurité, sans crainte et plein d’assurance. Et celui qui, après m’avoir dit… celui-là serait emporté et jeté en enfer, je l’affirme.
Il y a, Sāriputta, quatre naissances, la naissance dans l’œuf, la naissance dans le sein, la naissance dans la pourriture et la naissance par apparition. En quoi consiste la naissance dans l’œuf ? On parle de naissance dans l’œuf quand les êtres naissent en brisant la coquille d’un œuf. En quoi consiste la naissance dans le sein ? On parle de naissance dans le sein quand les êtres naissent en déchirant l’amnios. En quoi consiste la naissance dans la pourriture ? On parle de naissance dans la pourriture quand les êtres naissent dans un cadavre pourrissant, dans du grain en putréfaction ou dans une mare boueuse. En quoi consiste la naissance par apparition ? On parle de naissance par apparition pour les deva, les êtres de l’enfer, certains hommes et certains êtres déchus(*). Telles sont les quatre naissances. Et celui qui, après m’avoir dit… celui-là serait emporté et jeté en enfer, je l’affirme.
Les deva à partir des 4 Grands Rois. Mais les deva de la terre relèvent des 4 naissances. « Certains hommes » : alors que la plupart des hommes naissent dans le sein, quelques-uns naissent dans l’œuf ou dans la pourriture. Les êtres déchus sont ici les trépassés assoiffés, mais on connaît d’autres êtres déchus qui naissent de 4 manières : esprits, quadrupèdes, oiseaux, reptiles, etc.
Il y a, Sāriputta, cinq destinées. Lesquelles ? Il y a l’enfer, le monde animal, le monde des trépassés, la condition humaine et le monde divin.
Je connais avec sagacité l’enfer, Sāriputta, l’arrivée en enfer et le chemin (les actions) qui mène à l’enfer. Et comment, lors de la brisure du corps et après la mort, celui qui a suivi ce chemin tombe dans une perdition, une mauvaise destinée, une déchéance, un enfer, je le sais avec sagacité.
Je connais avec sagacité le monde animal, Sāriputta, l’arrivée dans le monde animal et le chemin qui mène au monde animal. Et comment, lors de la brisure du corps et après la mort, celui qui a suivi ce chemin renaît dans le monde animal, je le sais avec sagacité.
Je connais avec sagacité le monde des trépassés, Sāriputta, l’arrivée dans le monde des trépassés et le chemin qui mène au monde des trépassés. Et comment, lors de la brisure du corps et après la mort, celui qui a suivi ce chemin se retrouve dans le monde des trépassés, je le sais avec sagacité.
Je connais avec sagacité la condition humaine, Sāriputta, l’arrivée dans la condition humaine et le chemin qui mène à la condition humaine. Et comment, lors de la brisure du corps et après la mort, celui qui a suivi ce chemin se retrouve dans la condition humaine, je le sais avec sagacité.
Je connais avec sagacité le monde divin, Sāriputta, l’arrivée dans le monde divin et le chemin qui mène au monde divin. Et comment, lors de la brisure du corps et après la mort, celui qui a suivi ce chemin se retrouve dans une bonne destinée, un monde céleste, je le sais avec sagacité.
Je connais avec sagacité le dénouement, Sāriputta, l’arrivée dans le dénouement et le chemin qui mène au dénouement. Et comment, par l’élimination des contaminations, celui qui a suivi ce chemin connaît directement, par lui-même, dans la réalité présente, la délivrance spirituelle et la délivrance par la sagacité, non contaminées. Comment il y accède et y demeure, je le sais avec sagacité.
Voici par exemple, Sāriputta, un individu que je connais avec sagacité en sondant son état d’être avec mon esprit : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’à la brisure du corps et après la mort, il tombera dans une perdition, une mauvaise destinée, une déchéance, un enfer ». Et avec l’œil divin purifié et plus qu’humain, je vois plus tard, lors de la brisure du corps ou après la mort, cet individu tomber dans une perdition, une mauvaise destinée, une déchéance, un enfer, et je le vois n’y éprouver que des ressentis désagréables et très intenses.
Imagine, Sāriputta, un puits de braises plus haut qu’un homme. Un individu vient, souffrant de la chaleur, accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, et le chemin qu’il suit le mène inexorablement vers le puits de braises. Un homme pourvu de bons yeux peut dire en le voyant : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’il tombera forcément dans ce puits de braises ». Et cet homme verra plus tard l’individu tomber dans le puits de braises et n’y éprouver que des ressentis désagréables et très intenses.
De même, Sāriputta, je connais cet individu avec sagacité… je vois plus tard… cet individu tomber… dans un enfer et je ne l’y vois éprouver que des ressentis désagréables et très intenses.
Voici à présent, Sāriputta, un autre individu que je connais avec sagacité en sondant son état d’être avec mon esprit : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’à la brisure du corps et après la mort, il renaîtra dans le monde animal ». Et avec l’œil divin purifié et plus qu’humain, je vois plus tard, lors de la brisure du corps ou après la mort, cet individu renaître dans le monde animal et y éprouver des ressentis désagréables et aigus.
Imagine, Sāriputta, une fosse septique plus haute qu’un homme et pleine d’excréments. Un individu vient, souffrant de la chaleur, accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, et le chemin qu’il suit le mène inexorablement vers la fosse septique. Un homme pourvu de bons yeux peut dire en le voyant : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’il tombera forcément dans cette fosse ». Et cet homme verra plus tard l’individu tomber dans la fosse septique et y éprouver des ressentis désagréables et aigus.
De même, Sāriputta, je connais cet individu avec sagacité… je vois plus tard… cet individu renaître dans le monde animal et y éprouver des ressentis désagréables et aigus.
Voici maintenant, Sāriputta, un individu que je connais avec sagacité… il se retrouvera dans le monde des trépassés… et je l’y vois éprouver des ressentis très désagréables.
Imagine, Sāriputta, un arbre poussant sur un terrain escarpé, au feuillage clairsemé fournissant une ombre rare. Un individu vient, souffrant de la chaleur, accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, et le chemin qu’il suit le mène inexorablement vers cet arbre. Un homme pourvu de bons yeux peut dire en le voyant : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’il arrivera forcément à cet arbre ». Et cet homme verra plus tard l’individu s’asseoir ou se coucher dans l’ombre rare de cet arbre et y éprouver des ressentis très désagréables.
De même, Sāriputta, je connais cet individu avec sagacité… et je le vois éprouver des ressentis très désagréables.
Et voici, Sāriputta, un individu que je connais avec sagacité. Il naîtra parmi les hommes… et je l’y vois éprouver des ressentis agréables.
Imagine, Sāriputta, un arbre poussant sur un sol plat, au feuillage épais fournissant une ombre épaisse. Un individu vient, souffrant de la chaleur, accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, et le chemin qu’il suit le mène inexorablement vers cet arbre. Un homme pourvu de bons yeux peut dire en le voyant : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’il arrivera forcément à cet arbre ». Et cet homme verra plus tard l’individu s’asseoir ou se coucher dans l’ombre épaisse de cet arbre et y éprouver des ressentis agréables.
De même, Sāriputta, je connais cet individu avec sagacité… et je le vois éprouver des ressentis très agréables.
Voici encore, Sāriputta, un individu que je connais avec sagacité… il accédera à une bonne destinée, un monde céleste… et je le vois n’y éprouver que des ressentis très agréables.
Imagine, Sāriputta, un palais avec une chambre sur la terrasse, crépie à l’intérieur et à l’extérieur, sans courants d’air, la porte fermée par un épar, les volets fermés, équipée d’un divan matelassé de laine épaisse, recouvert d’une couverture de laine blanche, revêtu d’un tissu brodé de fleurs, orné d’une peau d’antilope doublée, surmonté d’un ciel de lit et muni de coussins aux deux extrémités. Un individu vient, souffrant de la chaleur, accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, et le chemin qu’il suit le mène inexorablement vers ce palais. Un homme pourvu de bons yeux peut dire en le voyant : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’il arrivera forcément à ce palais ». Et cet homme verra plus tard l’individu entrer dans le palais, monter dans la chambre de la terrasse, s’asseoir ou s’allonger sur le divan et n’y éprouver que des ressentis très agréables.
De même, Sāriputta, je connais cet individu avec sagacité… et je le vois n’éprouver que des ressentis très agréables.
Voici enfin, Sāriputta, un dernier individu que je connais avec sagacité en sondant son état d’être avec mon esprit : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’avec l’élimination des contaminations il connaîtra directement, par lui-même, dans la réalité présente, la délivrance spirituelle et la délivrance par la sagacité, non contaminées, il y accédera et y demeurera ». Et je vois plus tard qu’avec l’élimination des contaminations cet individu connaît directement, par lui-même, dans la réalité présente, la délivrance spirituelle et la délivrance par la sagacité, non contaminées, il y accède et y demeure. Et je le vois n’éprouver que des ressentis très agréables.
Imagine, Sāriputta, un étang à l’eau transparente, plaisante, fraîche et claire, bordé de rives agréables, et un épais bosquet sur sa rive. Un individu vient, souffrant de la chaleur, accablé de chaleur, peinant, altéré, assoiffé, et le chemin qu’il suit le mène inexorablement vers cet étang. Un homme pourvu de bons yeux peut dire en le voyant : « Le comportement de cet individu et le chemin qu’il emprunte, sur lequel il chemine, sont tels qu’il arrivera forcément à cet étang ». Et cet homme verra plus tard l’individu entrer dans l’étang, se baigner, boire, relâcher toutes les tensions, les fatigues et l’agitation, sortir de l’eau pour s’asseoir ou s’allonger dans le bosquet et n’y éprouver que des ressentis très agréables.
De même, Sāriputta, je connais cet individu avec sagacité… et je le vois n’éprouver que des ressentis très agréables.
Telles sont, Sāriputta, les cinq destinées. Et celui qui, après m’avoir dit… celui-là serait emporté et jeté en enfer, je l’affirme.
J’ai mené, Sāriputta, la quadruple vie sainte : j’ai été ascétique, extrêmement ascétique ; j’ai été crasseux, extrêmement crasseux ; j’ai cherché à protéger, à protéger au maximum ; j’ai été solitaire, extrêmement solitaire.
En ce qui concerne l’ascétisme, Sāriputta, j’ai vécu nu, en me conduisant de façon choquante (je transgressais volontairement les usages), en léchant dans ma main la nourriture (posée là par les bienfaiteurs), en n’obéissant pas aux invitations « venez, seigneur » ou « attendez, seigneur » (lancées par les bienfaiteurs quand ils proposent à manger). Je ne mangeais pas la nourriture apportée en premier ni celle préparée à mon intention ni celle à laquelle on me conviait. Je n’acceptais pas la nourriture du bord du pot ni celle du bord de la marmite (pour éviter que le pot ou la marmite ne soient touchés, blessés par la cuillère), ni celle qui franchissait un seuil, une baguette ou un pilon, je ne l’acceptais pas quand deux personnes mangeaient ensemble (il se peut qu’une des deux se lève pour faire un don et cette situation peut créer une gêne), je ne l’acceptais pas d’une femme enceinte, d’une femme allaitante ou d’une femme amoureuse (car cela peut nuire à l’embryon, au nourrisson ou au plaisir), ni de pourvoyeurs(*), ni là où il y avait un chien (pour ne pas prendre sa part), ni là où pullulaient les mouches (pour ne pas les léser). Je ne mangeais pas de poisson ni de viande et je ne buvais pas de liqueurs, d’alcools ni de céréales fermentées.
En période de disette, quand la nourriture était rare, les disciples de certains ascètes nus faisaient venir des grains d’ailleurs, exprès pour leur maître. Un authentique ascète nu devait refuser ce genre de possibilité.
Je reçus la nourriture dans une seule maison, une seule cuillerée(*) ; dans deux maisons, deux cuillerées… dans sept maisons, sept cuillerées. Je me nourris d’un seul petit don, de deux petits dons… de sept petits dons. Je mangeai tous les jours, tous les deux jours… tous les sept jours. Je finis même par m’appliquer à ne manger qu’une fois par quinzaine. Je mangeai des feuilles, je mangeai du millet sauvage, du riz sauvage, des rognures de cuir, des plantes aquatiques, de cette poudre rouge que l’on trouve sur le riz, de la partie du riz qui est brûlée (au fond de la marmite et que l’on jette), des herbes ou des bouses de vaches. Je me nourris de racines et de fruits sauvages, je mangeai des fruits tombés.
Ayant reçu la nourriture dans une maison, il n’en cherchait pas d’autres et se nourrissait d’une seule cuillerée.
Je me vêtis de chanvre, je me vêtis de chanvre mélangé, je me vêtis d’un linceul, de rebuts, d’écorces, d’une peau d’antilope, d’une demi-peau d’antilope, d’herbes tressées, d’écorces tressées, de plaquettes de bois assemblées, d’une couverture en cheveux humains, d’une couverture en crins de cheval ou de plumes de chouette.
Je me fis arracher les cheveux et les poils de barbe, et je m’en tins à cette règle. Je restai debout en refusant toute place (pour s’asseoir). Je m’accroupis et fis l’effort de rester accroupi (en me déplaçant par bonds, sans me relever, si je voulais bouger). J’eus une couche d’épines et je m’allongeai sur cette couche d’épines(*). Je m’en tins à la règle de descendre rituellement dans l’eau trois fois dans la journée. Voilà comment je me consacrai aux multiples règles d’un ascétisme rigoureux du corps, et même d’un ascétisme extrême. Voilà ce que fut mon ascétisme.
L’ascète posait des clous de fer ou des épines naturelles sur le sol, il les couvrait d’une peau sur laquelle il se tenait debout, assis, couché, ou sur laquelle il marchait.
En ce qui concerne la crasse, Sāriputta, une croûte de poussière et de saleté de plus d’un an s’accumula sur mon corps, semblable à la croûte qui se forme sur une souche de tinduka vieille de plus d’un an. Et je ne pensais pas devoir frotter de la main cette poussière et cette saleté, ou que d’autres devraient gratter de leurs mains cette croûte qui me couvrait. Cela, Sāriputta, je ne le pensais pas. Voilà comment je fus crasseux.
En ce qui concerne la protection, Sāriputta, j’avançais attentivement, je revenais attentivement et je restais toujours compatissant, même en présence d’une simple goutte d’eau : « Je ne prendrai pas le risque de tuer les petits êtres vivants qui se perdent dans les endroits les plus inattendus ». Voilà comment je cherchais à protéger.
En ce qui concerne la solitude, Sāriputta, je m’enfonçai dans une région isolée et j’y demeurai. Quand j’apercevais un vacher, un berger, un porteur d’herbes, un porteur de bois ou un cueilleur de racines, je m’enfuyais de bosquet en bosquet, de fourré en fourré, de vallon en vallon et de colline en colline. À quelle fin ? Pour qu’ils ne me rencontrent pas et que je ne les rencontre pas. Je faisais comme les animaux de la forêt quand ils aperçoivent des hommes, ils s’enfuient de bosquet en bosquet, de fourré en fourré, de vallon en vallon et de colline en colline. Voilà comment je restais solitaire.
Je m’approchai, Sāriputta, à quatre pattes d’un enclos à vaches quand les vaches en étaient sorties et que les vachers s’étaient éloignés, et je mangeais les bouses des veaux nourris au pis. Mais aussi longtemps que ma propre urine et mes propres fèces ne s’étaient pas épuisées, je m’en étais nourri(*). Voilà comment je me nourris d’aliments horribles.
Les mortifications avaient causé l’amaigrissement de l’ascète, son sang s’était appauvri, il cessa d’uriner et de déféquer. C’est alors qu’il eut recours aux bouses de veau qu’il allait manger en cachette. Les bouses des vieilles vaches sont acres et dénouées de valeur nutritive, au contraire de celles des jeunes veaux.
Je m’enfonçai, Sāriputta, dans une épouvantable forêt et j’y séjournai. Si forte était l’horreur de cette épouvantable forêt que la plupart des gens qui y entraient sans s’être défaits de tout attachement voyaient leurs cheveux se dresser sur leur tête. Quand les nuits étaient froides, hivernales, faisant partie des huit (les 4 dernières nuits du mois de māgha et les 4 premières du mois de phagguna, qui étaient considérées comme les nuits les plus froides de l’hiver), neigeuses, je restais la nuit à l’air libre et le jour dans la forêt (la nuit, des perles de glace se formaient sur les pores de sa peau, son corps se couvrait d’un blanc manteau. Au matin, le soleil faisait fondre la glace, le bien-être revenait, mais l’ascète rentrait alors dans le bois). Et dans le dernier mois (le plus chaud) de la saison chaude, je restais le jour à l’air libre et la nuit dans la forêt. Et ceci m’inspira ce merveilleux quatrain que nul n’avait entendu auparavant :
Il est brûlé, gelé,
Et toujours solitaire dans l’horrible forêt,
Il est nu sans jamais s’asseoir près d’un feu,
Ce sage silencieux est constant dans sa quête.
Je me couchai, Sāriputta, dans un charnier sur des os à demi consumés. Un groupe de vachers s’approcha de moi. Ils me crachèrent dessus, me compissèrent, me couvrirent de poussière et m’introduisirent des bâtonnets dans les oreilles(*). Mais je ne reconnais pas avoir nourri une seule mauvaise pensée à leur égard. Voilà ce que je fis pour conserver l’équanimité (upekkhā).
Les vachers voulaient savoir ce que l’ascète faisait dans cette posture, mais celui-ci s’assit tête baissée sans répondre. Chacune des actions des vachers visait à le convaincre de parler, mais il supportait tout sans rien dire. Quand ils comprirent qu’il ne dirait rien, ils le laissèrent.
Il y a, Sāriputta, des ascètes et des brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie par la nourriture. Certains d’entre eux disent : « Nous subsistons de jujubes », ils mangent du jujube, ils mangent de la pâte de jujube, ils boivent du jus de jujube, ils consomment plusieurs sortes de plats de jujube. Je connais bien cela, Sāriputta, car je me suis nourri d’un seul jujube. Tu pourrais te demander s’il n’y avait pas à cette époque des jujubes plus grands, mais il ne faut pas voir les choses ainsi, ces jujubes n’étaient pas plus grands que ceux d’aujourd’hui.
Alors que je me nourrissais d’un seul jujube, Sāriputta, mon corps s’amaigrit à l’extrême. Mes membres devinrent noueux comme des sarments d’āsītika ou de kāla à cause du manque de nourriture. Mon fondement s’excava comme le sabot d’un chameau, à cause du manque de nourriture. Ma colonne vertébrale présenta une alternance de creux et de bosses telle une rangée de boules, à cause du manque de nourriture. Mes côtes saillirent irrégulièrement comme les chevrons d’une vieille hutte, à cause du manque de nourriture. Mes prunelles brillèrent au plus profond de mes orbites comme de l’eau scintillant au loin dans un puits profond, à cause du manque de nourriture. La peau de ma tête se rida et se parchemina comme une citrouille coupée trop jeune et desséchée par le vent, à cause du manque de nourriture.
Quand je voulus palper la peau de mon ventre, je touchai aussi ma colonne vertébrale, et quand je voulus palper ma colonne vertébrale, je touchai aussi la peau de mon ventre, tant la peau de mon ventre était proche de ma colonne vertébrale à cause du manque de nourriture. Quand je voulus déféquer et uriner, je tombai face contre terre (les efforts produits pour uriner ou déféquer, d’ailleurs sans succès, causèrent des douleurs assez fortes et une suée assez abondante pour qu’il tombe par terre), à cause du manque de nourriture. Et quand, Sāriputta, je me frottai les membres avec les mains pour soulager mon corps, les poils tombèrent du fait de ce frottement, car leurs racines avaient pourri à cause du manque de nourriture.
Parmi les ascètes et les brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie par la nourriture, Sāriputta, d’autres disent : « Nous subsistons de pois », ils mangent des pois… Je connais bien cela, car je me suis nourri d’un seul pois… Mon corps s’amaigrit à l’extrême… et quand je me frottai les membres… mes poils tombèrent… à cause du manque de nourriture.
Parmi les ascètes et les brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie par la nourriture, Sāriputta, d’autres disent : « Nous subsistons de sésame », ils mangent des graines de sésame… Je connais bien cela, car je me suis nourri d’une seule graine de sésame… Mon corps s’amaigrit à l’extrême… et quand je me frottai les membres… mes poils tombèrent… à cause du manque de nourriture.
Parmi les ascètes et les brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie par la nourriture, Sāriputta, d’autres disent : « Nous subsistons de riz », ils mangent des grains de riz… Je connais bien cela, car je me suis nourri d’un seul grain de riz… Mon corps s’amaigrit à l’extrême… et quand je me frottai les membres… mes poils tombèrent… à cause du manque de nourriture.
Mais ce comportement, ces pratiques et ces austérités ne me permirent pas d’atteindre, au-delà des réalités humaines, la pureté ni l’excellente connaissance-et-vision. Pourquoi ? Parce qu’on l’atteint seulement par la sagacité pure. Une fois la sagacité pure atteinte, la voie immaculée mène à la parfaite destruction du désagrément des conjectures.
Il y a, Sāriputta, des ascètes et des brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie par l’errance (à travers les différentes sortes de vie). Or il n’est pas facile de trouver un domaine d’errance que je n’aie maintes fois traversé, hormis les divines Demeures Pures(*). Mais si j’étais passé par ces divines Demeures Pures, je ne serais jamais revenu en ce monde.
suddhāvāsa : les états que le Sans-retour atteint après sa mort et dont il ne revient pas. Voir Visud XXIII 56
Il y a, Sāriputta, des ascètes et des brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie par la naissance apparitionnelle. Mais il n’est pas facile de trouver une forme de naissance apparitionnelle par laquelle je ne sois maintes fois passé, hormis les Demeures Pures. Mais si j’étais né dans ces divines Demeures Pures, je ne serais jamais revenu en ce monde.
Il y a, Sāriputta, des ascètes et des brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie en séjournant (dans les 5 ensembles khandhā). Mais il n’est pas facile de trouver un séjour où je n’ai maintes fois vécu, hormis les Demeures Pures. Mais si j’avais habité ces divines Demeures Pures, je ne serais jamais revenu en ce monde.
Il y a, Sāriputta, des ascètes et des brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie par le sacrifice rituel. Mais il n’est pas facile, Sāriputta, de trouver une forme de sacrifice rituel que je n’ai maintes fois pratiquée lorsque j’étais un roi noble et consacré ou un brahmane influent.
Il y a, Sāriputta, des ascètes et des brahmanes qui affirment et qui croient que l’on se purifie par le rituel du feu. Mais il n’est pas facile, Sāriputta, de trouver une forme de ce rituel que je n’ai maintes fois pratiquée lorsque j’étais un roi noble et consacré ou un brahmane influent.
Il y a, Sāriputta, des ascètes et des brahmanes qui affirment et qui croient ceci : « Tant qu’il est jeune, qu’il possède les qualités de la jeunesse, qu’il a les cheveux bien noirs, qu’il est prospère, plein de jeunesse et dans son premier âge, l’homme honorable possède une grande intelligence et beaucoup de sagacité. Mais quand il est vieux, que maintes années l’ont mûri, que beaucoup de temps a passé, qu’il a atteint un grand âge – quatre-vingts, quatre-vingt-dix ou cent ans –, l’intelligence et la sagacité de cet homme honorable sont détruites. » Il ne faut pas voir les choses ainsi : je suis moi-même vieux à présent, maintes années m’ont mûri, beaucoup de temps a passé, j’ai atteint un grand âge, j’ai vécu quatre-vingts ans. Et il y a ici mes quatre disciples dont la vie a commencé il y a cent ans, qui ont vécu cent ans et qui sont doués d’une parfaite capacité de mémoriser, de retenir et de réciter parce qu’ils ont une parfaite intelligence et beaucoup de sagacité.
Un archer robuste, Sāriputta, entraîné, chevronné et doué d’une main sûre peut aisément envoyer une flèche légère au-delà de l’ombre allongée d’un palmier. De même, si ces disciples qui sont doués d’une parfaite capacité de mémoriser, de retenir et de réciter parce qu’ils ont une parfaite sagacité et une parfaite intelligence me posaient une série de questions concernant les quatre vigilances, je leur répondrais et ils pourraient retenir au fur et à mesure mes réponses telles que je les leur délivrerais – en dehors du temps pour manger, boire, mâcher, savourer, uriner, déféquer et chasser le sommeil ou la fatigue – sans me poser les questions une seconde fois. Et l’exposé du Dhamma délivré par le Tathāgata ne s’altérerait pas, l’explication des mots du Dhamma délivré par le Tathāgata ne mollirait pas et les réponses du Tathāgata aux questions posées ne faiblirait pas, alors même que ces quatre disciples, dont la vie a commencé il y a cent ans et qui ont vécu cent ans, mourraient seulement au bout de cent ans. Et même si vous deviez me porter sur un lit, l’intelligence pleine de sagacité du Tathāgata ne s’altérerait pas. Si l’on disait à juste titre : « Un être dépourvu de confusion est apparu dans le monde pour le bien de beaucoup, pour le bonheur de beaucoup, par compassion pour le monde, pour l’intérêt, le bien et le bonheur des deva et des hommes », c’est de moi qu’on devrait le dire à juste titre. »
À ce moment le Vénérable Nāgasamāla(*) se tenait derrière le Bienheureux et l’éventait. Il s’exclama :
— C’est merveilleux, Maître, c’est extraordinaire, Maître, à quel point mes cheveux se hérissaient (de ravissement) pendant que j’écoutais cet exposé du Dhamma. Quel nom, Maître, porte cet exposé ?
— Retiens, Nāgasamāla, cet exposé du Dhamma comme « L’exposé qui hérisse les cheveux ».
Ce vénérable fut l’un des 4 moines qui assistèrent le Bienheureux pendant les vingt premières années de sa vie publique. Les trois autres s’appelaient Upavāna, Nāgita et Meghiya.
Ainsi parla le Bienheureux.
Le Vénérable Nāgasamāla fut satisfait des paroles du Bienheureux et il s’en réjouit.
Origine : Enseignements et discussions entre Bouddha, ses disciples, ses antagonistes… (Nord de l’Inde actuelle)
Date : Ve siècle avant notre ère
Traducteur : Christian Maës
Mise à jour : 25 févr. 2011