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MN 23 - vammīka sutta

Le récit de la fourmilière

Il arrivait que des divinités apparaissent aux humains. Quand elles le faisaient, elles abandonnaient leur éclat divin – difficilement soutenable pour les hommes – et prenaient de splendides apparences humaines, venant souvent par petits groupes en dansant. L’une de ces divinités aborda Kassapa, surnommé le Jeune, ou le Jeune Prince, pour le distinguer des autres Kassapa. Lorsque sa mère avait pris les vœux de moniale, elle était enceinte de lui. Le fait qu’une moniale soit enceinte avait jeté le trouble dans la communauté quand la chose s’était sue. Le bébé qui naquit ressemblait à une poupée dorée. Le roi Pasenadi du Kosala le prit sous sa tutelle et lui donna le nom de Kassapa. Plus tard, le roi présenta au Bienheureux le jeune Kassapa pour qu’il soit ordonné moine.

Ainsi ai-je entendu.

En ce temps-là le Bienheureux séjournait, près de Sāvatthi, dans le parc Anāthapiṇḍika du bois Jéta.

À cette époque, le Vénérable Kassapa le Jeune séjournait au Bois des Aveugles. Un matin, un brahmā d’une merveilleuse beauté illumina tout le Bois des Aveugles dans la splendeur de la nuit finissante. Il s’approcha du Vénérable Kassapa et se tint convenablement debout. Ainsi debout, il dit au vénérable :

— Moine ! Moine ! La fourmilière fume la nuit et flambe le jour. Le brahmā dit : « Creuse avec le poignard, sage ». Le sage creuse avec le poignard, aperçoit une barre de porte et déclare : « Une barre de porte, seigneur ». Le brahmā dit : « Retire la barre de porte, sage, en creusant avec le poignard ». Le sage creuse avec le poignard, aperçoit un crapaud enflé et déclare : « Un crapaud enflé, seigneur. » Le brahmā dit : « Retire le crapaud enflé, sage, en creusant avec le poignard ». Le sage creuse avec le poignard, aperçoit une bifurcation et déclare : « Une bifurcation, seigneur ». Le brahmā dit : « Retire la bifurcation, sage, en creusant avec le poignard ». Le sage creuse avec le poignard, aperçoit un linge à filtrer et déclare : « Un linge à filtrer, seigneur ». Le brahmā dit : « Retire le linge à filtrer, sage, en creusant avec le poignard ». Le sage creuse avec le poignard, aperçoit une tortue et déclare : « Une tortue, seigneur ». Le brahmā dit : « Retire la tortue, sage, en creusant avec le poignard ». Le sage creuse avec le poignard, aperçoit un billot et déclare : « Un billot, seigneur ». Le brahmā dit : « Retire le billot, sage, en creusant avec le poignard ». Le sage creuse avec le poignard, aperçoit un morceau de viande et déclare : « Un morceau de viande, seigneur ». Le brahmā dit : « Retire le morceau de viande, sage, en creusant avec le poignard ». Le sage creuse avec le poignard, aperçoit un nāga et déclare : « Un nāga, seigneur ». Le brahmā dit : « Laisse le nāga, ne frappe pas le nāga, respecte le nāga ».

Maintenant, moine, tu devrais aller trouver le Bienheureux, lui soumettre ces énigmes et retenir les explications qu’il te fournira. Dans le monde avec ses deva, avec ses Māras et ses brahmā, dans cette humanité avec ses ascètes et ses brahmā, ses rois divins et ses hommes, je ne vois personne – hormis le Tathāgata, un disciple du Tathāgata ou quelqu’un qui aurait entendu leurs réponses – qui puisse stimuler l’esprit par l’explication de ces énigmes.

Ainsi parla le brahmā. Et il disparut.


À la fin de la nuit, le Vénérable Kassapa se rendit auprès du Bienheureux, le salua en arrivant et s’assit convenablement. Une fois bien assis, le Vénérable Kassapa raconta au Bienheureux toute l’histoire (à répéter ici mot pour mot) et lui demanda :

— Que représente la fourmilière, Maître ? Que signifie fumer la nuit ? Que signifie flamber le jour ? Qui est le brahmane ? Qui est le sage ? Que symbolise le poignard ? Que signifie creuser ? Que représente la barre de porte ? Le gros crapaud ? La bifurcation ? Le linge a filtrer ? La tortue ? Le billot ? Le morceau de viande ? Et le nāga ?

— La fourmilière, moine, représente le corps formé des quatre grands éléments, engendré par le père et la mère, nourri de lait caillé et de riz, temporaire, périssable, fragile, destructible et voué à disparaître (comme la fourmilière, le corps est composé d’un amoncellement de constituants et habité par quantité d’êtres minuscules).

Fumer la nuit, moine, signifie beaucoup repenser la nuit aux activités de la journée passée et beaucoup les soupeser. Et flamber le jour veut dire mettre en œuvre le jour les activités physiques, verbales et mentales que l’on a beaucoup envisagées et longuement soupesées la nuit.

Le brahmane, moine, représente le Tathāgata accompli et parfait Bouddha ; le sage équivaut au moine qui s’exerce (à la vertu supérieure, aux états d’être supérieurs et à la sagacité supérieure).

Le poignard, moine, représente la sagacité immaculée. Le fait de creuser évoque la vigueur dans l’action.

La barre de porte, moine, représente l’aveuglement (qui bloque la porte ouvrant sur le Dénouement). Retirer la barre de porte en creusant avec le poignard signifie éliminer l’aveuglement (au moyen de la sagacité ).

Le crapaud enflé, moine, représente la colère débordante. Retirer le crapaud enflé en creusant avec le poignard signifie éliminer cette colère.

La bifurcation, moine, représente l’hésitation. Retirer la bifurcation en creusant avec le poignard signifie éliminer l’hésitation.

Le linge à filtrer, moine, représente les cinq obstacles (qui ne laissent pas passer les états bénéfiques) : l’élan sensoriel, l’aversion, l’engourdissement-torpeur, l’agitation-inquiétude et l’hésitation. Retirer le filtre en creusant avec le poignard signifie éliminer les cinq obstacles.

La tortue (avec la tête et les 4 pattes sortant de la carapace) représente les cinq ensembles saisis : les aspects physiques, les types de ressenti, les perceptions, les composants mentaux et les états de conscience (quand ils sont saisis comme siens ou comme soi). Retirer la tortue en creusant avec le poignard signifie abandonner les cinq ensembles saisis.

Le billot, moine, représente les cinq sortes de plaisirs sensoriels(*) : les apparences perceptibles par l’œil, désirables, plaisantes, délicieuses, charmantes, tentantes et attachantes, les sons perceptibles par l’oreille… les odeurs perceptibles par le nez… les saveurs perceptibles par la langue… et les touchers perceptibles par le corps, désirables, plaisants, délicieux, charmants, tentants et attachants. Retirer le billot en creusant avec le poignard signifie éliminer les plaisirs sensoriels.

Des tourments divers et variés atteignent l’homme qui s’abandonne aux plaisirs sensoriels comme la hache s’abat sur le condamné dont la tête est posée sur le billot.

Le morceau de viande, moine, représente l’attachement à la jouissance (les animaux et les hommes recherchent la viande dont ils aiment le goût, comme les êtres cherchent la jouissance et s’y attachent). Retirer le morceau de viande en creusant avec le poignard signifie éliminer l’attachement à la jouissance.

Le nāga, moine, représente le moine qui a détruit les infections. Voilà pourquoi on dit : « Laisse le nāga, ne frappe pas le nāga, respecte le nāga. »

Ainsi parla le Bienheureux.

Le Vénérable Kassapa le Jeune fut satisfait des paroles du Bienheureux et il s’en réjouit.

Le vénérable prit ces explications comme base de pratique, développa la supravoyance et atteignit l’Accomplissement.

infos sur cette page

Origine : Enseignements et discussions entre Bouddha, ses disciples, ses antagonistes… (Nord de l’Inde actuelle)

Date : Ve siècle avant notre ère

Traducteur : Christian Maës

Mise à jour : 25 févr. 2011