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Sāriputta n’était disciple du Bienheureux que depuis un demi-mois. Dīghanakha, nom qui signifie Ongle-long, était son neveu. Il désira prendre des nouvelles de son oncle maternel et recevoir par la même occasion un enseignement stimulant de la part du Maître. Il vit, en arrivant, que son oncle se tenait debout derrière le Bienheureux et l’éventait. Par respect pour son oncle il resta debout lui aussi. La secte à laquelle appartenait Dighanakha était nihiliste comme en témoigne l’affirmation que rien ne lui plaît, rien ne lui convient, il n’accepte rien et désapprouve tout.
Ainsi ai-je entendu.
En ce temps-là le Bienheureux séjournait près de Rājagaha au Pic des vautours, dans la Grotte du sanglier.
Or Dīghanakha le renonçant vint auprès du Bienheureux. En arrivant, il échangea des paroles courtoises avec le Bienheureux puis conclut leurs salutations aimables et mémorables en restant convenablement debout. Ainsi debout Dīghanakha dit au Bienheureux :
— Moi, honorable Gotama, je professe et je crois que tout me déplaît.
— Mais cette idée que tout te déplaît, Aggivessana, ne te plaît-elle pas ?
— Si cette idée devait me plaire, honorable Gotama, il devrait en être de même pour ceci, il devrait en être de même pour cela(*)…
— Dans le monde, Aggivessana, ceux qui disent « il devrait en être de même pour ceci, il devrait en être de même pour cela » n’abandonnent généralement pas leur première croyance tout en s’attachant à une autre(**). Seuls quelques-uns abandonnent leur première croyance sans s’attacher à une autre.
* Ongle-long voit le défaut de sa proposition et il tente de « noyer le poisson » avec une phrase ambiguë. S’il dit que cette idée lui plaît, il se contredit. Mais s’il dit que cette idée ne lui plaît pas, pourquoi la soutient-il ?
** N’abandonnent pas leur vision nihiliste mais s’attachent aussi à l’éternalisme.
Il y a, Aggivessana, des ascètes et des brahmanes qui professent et qui croient « tout me plaît ». D’autres professent et croient « rien ne me plaît », et d’autres encore professent et croient « une partie me plaît, mais une autre me déplaît ».
La croyance des ascètes et des brahmanes qui professent et qui croient que tout leur plaît s’apparente à un attachement passionné, à un enchantement, à un enchaînement, à un esclavage. Et la croyance des ascètes et des brahmanes qui professent et qui croient que rien ne leur plaît s’apparente à un non-attachement, à un non-enchantement, à un non-enchaînement, à un non-esclavage.
Quand le Bienheureux eut dit cela, Dīghanakha s’écria :
— L’honorable Gotama approuve ma prise de position et en fait l’éloge.
— Quant aux ascètes et aux brahmanes, Aggivessana, qui professent et qui croient qu’une partie leur plaît et qu’une autre leur déplaît, la croyance relative à la partie qui leur plaît s’apparente à un attachement passionné, à un enchantement, à un enchaînement, à un esclavage, et la croyance relative à la partie qui leur déplaît s’apparente à un non-attachement, à un non-enchantement, à un non-enchaînement, à un non-esclavage.
Il y a donc, Aggivessana, ces ascètes et ces brahmanes qui professent et qui croient « tout me plaît ». Là un homme intelligent réfléchit : « J’ai cette croyance que tout me plaît. Mais si j’adhère solidement de cette croyance et que je décide obstinément qu’elle seule est vraie et que tout le reste est erroné, je vais me trouver en désaccord avec les ascètes et les brahmanes qui professent et qui croient que tout leur déplaît, et avec ceux qui professent et qui croient qu’une partie leur plaît et qu’une autre leur déplaît. Je vais me trouver en désaccord avec eux. Un tel désaccord peut amener une dispute, la dispute un premier coup, et ce coup une bagarre ». L’homme intelligent contemple la possibilité de désaccords, de disputes, de coups et de bagarre, il abandonne cette croyance sans pour autant s’attacher à une autre. Voilà comment on abandonne les croyances, comment on les rejette.
Il y a aussi, Aggivessana, les ascètes et les brahmanes qui professent et qui croient que tout leur déplaît. Là un homme intelligent réfléchit qu’il a la croyance que rien ne lui plaît. S’il y adhère… et il abandonne cette croyance sans s’attacher à une autre…
Il y a aussi, Aggivessana, les ascètes et les brahmanes qui professent et qui croient qu’une partie leur plaît et qu’une autre leur déplaît. Là aussi un homme intelligent réfléchit qu’il a la croyance qu’une partie lui plaît, mais que l’autre lui déplaît. S’il y adhère… et il abandonne cette croyance sans s’attacher à une autre…
Le corps avec sa forme, Aggivessana, est fait des quatre grands éléments, produit par une mère et un père, nourri de riz et de lait caillé. Comme sa nature est d’être temporaire, parfumé, massé(*), puis détruit et dispersé, il faut le considérer comme temporaire, misérable, semblable à une maladie, à un abcès, à une épine, et aussi comme fautif, gênant, étranger, vide et dépourvu d’autonomie. Si l’on contemple le corps ainsi, l’attirance, l’attachement et la soumission au corps s’éliminent.
Le corps doit être parfumé pour lutter contre les mauvaises odeurs, et massé pour éviter les maladies. Visud XX 19 explique la nature temporaire (anicca), etc.
Il y a trois types de ressenti, Aggivessana, le ressenti agréable, le ressenti désagréable (dukkha) et le ressenti neutre.
Au moment où l’on perçoit un ressenti désagréable, on ne perçoit ni ressenti agréable ni ressenti neutre, on ne perçoit que le ressenti désagréable. Au moment où l’on perçoit un ressenti agréable, on ne perçoit ni ressenti désagréable ni ressenti neutre, on ne perçoit que le ressenti agréable. Au moment où l’on perçoit un ressenti neutre, on ne perçoit ni ressenti désagréable ni ressenti agréable, on ne perçoit que le ressenti neutre. Et les trois ressentis, Aggivessana, sont temporaires, conditionnés, produits sous condition, sujets à destruction, à disparition, à effacement, à cessation.
Un disciple noble et instruit, Aggivessana, qui les contemple de cette façon, est désenchanté du ressenti désagréable, du ressenti agréable et du ressenti neutre. Étant désenchanté, il se détache. Étant détaché, il se libère, et dans la délivrance vient la connaissance « délivré ». Il sait en profondeur que la naissance est détruite, la vie sainte achevée, fait ce qui était à faire et rien de plus ici-bas. Et ce moine dont l’esprit est libéré n’approuve personne, ne désapprouve personne, et continue cependant à s’exprimer avec les mots du monde sans s’y attacher. »
Pendant ce temps le Vénérable Sāriputta était debout derrière le Maître et l’éventait. Le Vénérable Sāriputta pensa : « On dirait bien que c’est par expérience directe de toutes ces choses que le Bienheureux nous dit de les abandonner, on dirait bien que c’est par expérience directe de toutes ces choses qu’il nous dit de les rejeter. Comme le Vénérable Sāriputta pensait ceci, son esprit fut libéré de toute contamination, sans plus aucune dépendance.
Et pour Dīghanakha le renonçant apparut l’œil du Dhamma sans poussière et sans tache : « Tout ce qui a un début a aussi une fin ». Alors, Dīghanakha, ayant vu la réalité, atteint la réalité, connu la réalité, pénétré la réalité, traversé le doute, étant sans interrogation, et assuré dans l’enseignement du Maître sans l’aide d’autrui, s’écria :
— C’est merveilleux, honorable Gotama ! C’est merveilleux, honorable Gotama ! C’est comme si on redressait ce qui était tordu, on révélait ce qui était caché, on montrait le chemin à l’égaré, on apportait une lampe dans les ténèbres pour que ceux qui ont des yeux voient. Ainsi l’honorable Gotama a-t-il indiqué l’Enseignement de différentes manières. Je cherche refuge auprès de l’honorable Gotama, du Dhamma et du Sangha. Que l’honorable Gotama me considère dès à présent comme un upāsaka qui gardera le refuge tant qu’il lui restera un souffle de vie.
Origine : Enseignements et discussions entre Bouddha, ses disciples, ses antagonistes… (Nord de l’Inde actuelle)
Date : Ve siècle avant notre ère
Traducteur : Christian Maës
Mise à jour : 25 févr. 2011