Cliquez ici pour afficher normalement la page (avec mise en forme et graphisme). Si ça ne fonctionne pas, vérifiez que votre navigateur accepte JavaScript et supporte les CSS. Nous vous recommandons un navigateur respectant les standards, tel que : Google Chrome, Firefox, Safari…

Vous êtes ici : accueil > vipassanā > enseignements > methode > 6 portes
résumé de la page

Enseignement démontrant l’importance d’observer les perceptions apparaissant par les 6 portes sensorielles, lors de l’établissement de l’attention.

En guise d’illustration, la célèbre histoire du moine Potthila.

La contemplation par les 6 portes sensorielles

Le sujet de l’enseignement d’aujourd’hui est : « La contemplation par les six portes sensorielles ». Les personnes qui s’entraînent à vipassanā bhāvanā concentrent leur attention sur les perceptions qui se manifestent par les six portes sensorielles. Les six portes sensorielles sont : l’œil, l’oreille, le nez, la langue, le corps et le mental.

L’objet principal qui est noté durant l’assise est le mouvement de gonflement et de dégonflement de l’abdomen, la posture assise et les points de touche. Pour prévenir les vagabondages de l’esprit, selon la concentration et les besoins, la note du toucher sera répartie sur un, trois, cinq ou, tout au plus, dix points de touche.

En plus de cet objet principal, il convient de noter les autres perceptions susceptibles d’apparaître par les six portes sensorielles. L’objet principal qu’est le mouvement de l’abdomen est comme le fait d’être chez soi, dans sa maison. Quand nous sommes à l’école ou au lycée, une fois les cours finis, nous rentrons à la maison. Quand nous allons faire des courses, une fois les achats terminés, nous rentrons à la maison. Quand nous allons sur notre lieu de travail, une fois la journée de travail achevée, nous rentrons à la maison.

De la même manière, pendant l’assise, quand on est amené à noter d’autres perceptions, une fois qu’elles ont été notées, on revient sur la note du mouvement de l’abdomen.

Si par l’œil apparaît une vision (même les yeux fermés, des visions peuvent apparaître), on note « voir, voir », sans y demeurer longtemps et sans accorder le moindre intérêt au contenu de cette vision. Une fois que cette perception visuelle a été notée, on revient sur l’objet principal – le mouvement de l’abdomen – en le notant.

Si par l’oreille apparaît un son, on note « entendre, entendre », ensuite, on revient à noter le mouvement de l’abdomen.

Si par le nez apparaît une odeur manifeste (agréable, désagréable ou neutre), on note « sentir, sentir », ensuite, on revient à noter le mouvement de l’abdomen.

Si par la langue apparaît un goût, on note « goûter, goûter », ensuite, on revient à noter le mouvement de l’abdomen.

Si par le corps apparaissent des sensations corporelles, telles que des piqûres d’insectes, des douleurs, des coups de chaleur, des sensations de froid, etc., on note « démangeaison », « douleur », « chaud », « froid », etc., ensuite, on revient à noter le mouvement de l’abdomen.

Si par le mental apparaissent des pensées, si l’esprit se disperse, on note « dispersé, dispersé » ou « penser, penser », ensuite, on revient à noter le mouvement de l’abdomen.

Lorsque des sensations physiques insupportables sont éprouvées, on peut envisager de modifier sa posture, tout en notant très attentivement chaque geste. Avant de commencer le premier mouvement, il convient de noter l’intention de le faire. Une fois qu’on a noté « volonté de changer la posture », en ouvrant les yeux, on note soigneusement tous les mouvements qui sont effectués pendant la rectification de la posture. Cela fait, dès que la nouvelle posture est adoptée, on revient sur l’objet principal en le notant.

Lorsque rien de particulier n’apparaît, on note le mouvement de l’abdomen. Néanmoins, il faut également noter toutes les perceptions visuelles, auditives, olfactives, gustatives, tactiles et mentales qui apparaissent à la conscience. Le yogī peut se demander pourquoi il faut noter les perceptions des six portes sensorielles. Le but de vipassanā bhāvanā est d’éradiquer l’avidité, l’aversion et l’ignorance (qui sont la racine de tous les kilesā) afin de ne plus permettre à ces trois poisons de se manifester à travers les six portes sensorielles.

Dans le mahā satipaṭṭhāna sutta, il est dit : « vineyya loke abhijjhā domanassaṃ ». Cette phrase palie signifie que ce n’est qu’en contemplant chaque phénomène apparaissant à la conscience qu’on peut empêcher lobha, dosa et moha (racines de tout kilesā) de se manifester à travers les upādanakkhandhā (agrégats de l’attachement) et de nous persécuter.

Une personne est dotée d’yeux, d’oreilles, d’un nez, d’une langue, d’un corps et d’un mental. Tout comme pour entrer dans une maison à plusieurs portes, les perceptions (visuelles, auditives, olfactives, etc.) se manifestent par ces six portes sensorielles, appelées dvāra en pali.

Si les portes d’une maison ne sont pas bien fermées, des voleurs, des brigands, des insectes, des chiens, des serpents ou d’autres êtres indésirables peuvent entrer. Pour que cela ne puisse pas se produire, il faut fermer correctement toutes les portes de la maison. De la même façon, pour que l’avidité, l’aversion et l’ignorance (lobha, dosa et moha) ne puissent pas se manifester, le yogī doit impérativement fermer les six portes sensorielles. Pour boucher ces six portes, il n’y a qu’un moyen : contempler toutes les perceptions qui s’y manifestent.

Lorsqu’un son apparaît, si le yogī note « entendre, entendre », à cet instant, lobha, et dosa ne peuvent pas se manifester par la porte auditive. En revanche, lorsqu’il ne note pas ce son, s’il est agréable, il va développer de l’attirance ou de la convoitise, qui est lobha, s’il est désagréable, il va développer du rejet ou de l’irritation, qui est dosa. lobha et dosa incitent toujours à commettre des actes malsains ou des paroles nuisibles. Toutes les intentions et tous les états d’esprit qui sont produits sous l’avidité, l’aversion ou l’ignorance sont akusala.

Il en est de même pour les autres portes sensorielles…

Pour la porte visuelle, lorsqu’une vision n’est pas notée, si elle est plaisante, lobha sera développé, si elle est déplaisante, dosa sera développé. Quelle que soit la vision que le yogī perçoit, il devrait noter « voir, voir ».

Pour la porte olfactive, lorsqu’une odeur n’est pas notée, si elle est délicieuse, lobha sera développé, si elle est répugnante, dosa sera développé. Quelle que soit l’odeur que le yogī perçoit, il devrait noter « sentir, sentir ».

Pour la porte gustative, pendant le repas, lorsqu’un goût n’est pas noté, s’il est succulent, lobha sera développé, s’il est dégoûtant, dosa sera développé. Quel que soit le goût que le yogī perçoit, il devrait noter « goûter, goûter ».

Pour la porte tactile, lorsqu’une sensation physique n’est pas notée, si elle est confortable, lobha sera développé, si elle est inconfortable, dosa sera développé. Quelle que soit la sensation physique que le yogī perçoit, il devrait noter en conséquence « sensation », « douleur », « chaud », « froid », « démangeaison », « légèreté », etc.

Pour la porte mentale, lorsqu’un objet mental n’est pas noté, s’il est plaisant, lobha sera développé, s’il est déplaisant, dosa sera développé. Quelle que soit l’objet mental que le yogī perçoit, il devrait noter en conséquence « penser », « réfléchir », « projets », « découragement », « motivation », « ennui », etc.

Comme dit le proverbe « Mieux vaut prévenir que guérir ». Dans cette même idée, pour se prévenir de toute production négative (lobha, dosa, etc.), il faut noter tous les phénomènes. En percevant une vision, un yogī doit noter « voir, voir ». S’il note ainsi chaque vision aussitôt qu’elle apparaît, l’avidité et l’aversion n’auront jamais le temps de se manifester, et il n’y aura pas de place non plus pour des commentaires futiles. Seule, demeurera la conscience qui connaît l’objet visuel, tel qu’il est réellement.

Si le yogī ne note pas ainsi, il s’attachera à cette vision, qu’elle soit plaisante et déplaisante et, en conséquence, lobha ou dosa naîtra.

« diṭṭhe diṭṭha mattaṃ bhavissati ». Cela signifie que si un objet visuel est noté aussitôt qu’il apparaît, il restera seulement une perception visuelle, ne provoquant aucun attachement.

« sute suta mattaṃ bhavissati ». Cela signifie que si un objet auditif est noté aussitôt qu’il apparaît, il restera seulement une perception auditive, ne laissant aucune place à une sensation, ni plaisante, ni déplaisante. Donc, aucun attachement de nature lobha ou dosa ne peut apparaître.

De la même manière, les objets des six portes sensorielles doivent être notés aussitôt qu’ils apparaissent.

En mangeant, il convient de noter tous les mouvements impliqués durant le processus du repas, ainsi que les objets gustatifs. De cette façon, lobha et dosa ne pourront pas se manifester.

Les objets tactiles doivent aussi être notés au moment où ils apparaissent et tels qu’ils apparaissent. Ainsi, il n’y aura pas de distinction entre sensation agréable et sensation désagréable, et de ce fait, lobha et dosa ne pourront pas se manifester.

« mute muta mattaṃ bhavissati ». Si un objet olfactif, un objet gustatif ou un objet tactile est noté aussitôt qu’il apparaît, il restera seulement une perception olfactive, gustative ou tactile, ne laissant aucune place à une sensation, ni plaisante, ni déplaisante. Donc, aucun attachement de nature lobha ou dosa ne peut apparaître.

« viññā te viññā tamattaṃ bhavissati ». La conscience qui connaît peut être épargnée par lobha, dosa et moha si elle est notée telle qu’elle est et au moment même de son apparition.

C’est pourquoi chaque yogī doit noter tous les phénomènes susceptibles d’apparaître par les six portes sensorielles. Il ne doit pas se contenter de l’observation du mouvement de l’abdomen. Le fait de contempler tous les phénomènes qui se manifestent par les six portes sensorielles est appelé « la tradition Poṭṭhila ».

Du temps de Bouddha, vivait un moine érudit, très versé dans le pariyatti (la théorie de l’enseignement du dhamma), nommé Poṭṭhila. C’était un moine qui enseignait le dhamma à travers dix-huit sectes différentes. Il était très respecté par ses nombreux élèves. Un jour, le mahāthera se rendit auprès de Bouddha. Lorsqu’il arriva auprès du Bienheureux, ce dernier s’adressa ainsi à son visiteur : « Viens par ici, Grand Poṭṭhila l’inutile ! » « Prosterne-toi, Grand Poṭṭhila l’inutile ! » « Assieds-toi, Grand Poṭṭhila l’inutile ! » « Vas-t-en, Grand Poṭṭhila l’inutile ! »

À l’issue de cette visite, le mahāthera Poṭṭhila s’est dit : « Moi qui enseigne le dhamma à de nombreux élèves avec succès, comment se fait-il que Bouddha m’interpelle-t-il comme « Poṭṭhila l’inutile » ? Se mettant à réfléchir par lui-même, il se rendit compte qu’il a consacré l’exclusivité de son temps au pariyatti, et négligé le paṭipatti (pratique du dhamma), le kammaṭṭhāna (la méditation) et la vipassanā bhāvanā (entraînement au développement de la connaissance directe de la réalité).

Pour remédier à cela, il a décidé d’arrêter l’enseignement afin de faire comme le faisaient traditionnellement les nobles êtres. Autrement dit, il s’est seulement emparé de son bol et de ses trois robes, et partit à la recherche d’un centre de paṭipatti, avec la ferme résolution de s’efforcer au satipaṭṭhāna jusqu’à « l’accomplissement complet des devoirs de moine », c’est-à-dire le stade d’arahant.

Cela est la décision juste. Pour celui qui a besoin d’étudier les textes du dhamma, le mieux est d’aller dans un centre de pariyatti, où il y a des enseignants érudits et tous les livres nécessaires. Pour celui qui a besoin de s’entraîner au développement de la vipassanā, le mieux est d’aller dans un centre de méditation, où il y a de compétents instructeurs de vipassanā et toutes les conditions nécessaires à un tel entraînement.

Le mahāthera Poṭṭhila parvint au célèbre monastère paṭipatti du grand abbé Padhāna, où tous les moines et tous les novices sont arahant. S’approchant du mahāthera Padhāna, il lui demanda respectueusement de le prendre comme élève afin de lui enseigner la vipassanā bhāvanā. Le grand abbé lui répondit : « Vénérable Poṭṭhila, je n’oserai point vous accepter comme mon élève, vous qui êtes un célèbre mahāthera enseignant du dhamma, ayant de si nombreux élèves. » Ce refus avait en fait pour but de dissiper le māna (la vanité) du mahāthera Poṭṭhila – due au fait d’avoir comme instructeur quelqu’un de célèbre –, qui peut être une entrave à la pratique.

Ensuite, le mahāthera Poṭṭhila a demandé à être accepté comme élève auprès des moines suivants, par ordre d’ancienneté. S’appuyant sur le même prétexte, ceux-là ont également refusé, jusqu’au plus jeune moine. Le mahāthera Poṭṭhila s’est alors adressé aux novices, essuyant les mêmes refus, jusqu’à parvenir, finalement, auprès du plus jeune novice, déjà arahant, en dépit de son jeune âge. Lorsque le mahāthera adressa sa demande au novice, elle fut tout d’abord refusée, pour la même raison que les autres.

D’une manière hautement respectueuse, le mahāthera Poṭṭhila a alors imploré à nouveau le jeune novice de l’accepter sous ses instructions. Comme ce dernier refusait toujours, le mahāthera a insisté une de fois de plus, lui promettant d’obéir à ses instructions à la lettre. Pour mettre à l’épreuve la sincérité du mahāthera, lui désignant un étang, le novice lui a demandé d’y entrer, jusqu’au fond. Soucieux d’obéir respectueusement au novice, le mahāthera s’est aussitôt exécuté.

Finalement convaincu de son humilité et de sa volonté, il le rappela, lui annonçant qu’il l’acceptait comme son élève. Pour persuader le mahāthera Poṭṭhila de l’importance de noter les phénomènes apparaissant par les six portes sensorielles, le jeune novice lui posa la question suivante : « Comment vous y prendriez-vous pour attraper un iguane qui se trouve dans un monticule pourvu de six orifices ? » Le mahāthera répondit : « Je boucherais cinq orifices et n’aurais plus qu’à attendre qu’il sorte par l’orifice restant pour l’attraper ».

Le jeune novice expliqua alors à son élève qu’il faut contempler tous les phénomènes physiques et mentaux qui se manifestent par les six orifices que sont l’œil, l’oreille, le nez, la langue, le corps et le mental. En procédant de cette façon, tout yogī peut se purifier le mental en parvenant à l’éradication des kilesā, grâce aux connaissances de magga et phala, l’objectif final de tout yogī.

Saisissant le sens de ces paroles, le mahāthera se mit, sans plus attendre, à observer attentivement toutes les perceptions se manifestant à travers ses six portes sensorielles. Grâce à cet entraînement correct, il atteignit rapidement le stade d’arahant.

C’est pourquoi la contemplation des perceptions des six portes sensorielles est appelée aujourd’hui « la tradition Poṭṭhila ».

Ainsi, je souhaite de tout cœur que tous les moines et tous les yogī suivront l’exemple du mahāthera Poṭṭhila, en contemplant avec persévérance les visions, les sons, les odeurs, les goûts, les touchers et les pensées perçues, jusqu’à l’accomplissement de magga et phala (la voie et le fruit).

Puissent tous les yogī être capables de mettre convenablement et activement en application les indications qui viennent d’être données, et de parvenir ainsi, le plus facilement et le plus rapidement possible, à l’aboutissement final qu’est nibbāna.

sādhu ! sādhu ! sādhu !

infos sur cette page

Origine : Enseignement délivré au centre Mahāsī de Yangon (Birmanie)

Auteur : Vénérable Jaṭila

Traducteur : Moine Dhamma Sāmi

Date : Mars 2003

Mise à jour : 17 juin 2005