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Explications détaillées de tout le processus d’observation des phénomènes physiques et mentaux, ainsi que de ce qu’il en résulte.
Le sujet de l’enseignement d’aujourd’hui est la méthode du développement de vipassanā, par le Mahāthera Aggamahāpaṇḍita Mahāsī Sayādaw (Vénérable Sobhana).
Après une étude approfondie des textes palis du tipiṭaka (les écritures de l’enseignement de Bouddha), le Vénérable Mahāsī Sayādaw en a extrait les éléments nécessaires pour l’élaboration d’une méthode simple et facile de développement de la vipassanā.
Pour permettre une compréhension facile à toute personne ordinaire, le Vénérable Sayādaw a exposé un ensemble de questions et réponses à propos de vipassanā.
Le mot vipassanā est devenu très à la mode. vipassanā signifie le fait d’être capable d’observer les phénomènes qui apparaissent et qui disparaissent. Il existe dix connaissances de vipassanā sous le nom de vipassanā ñāṇa.
1 | sammasana ñāṇa | Connaissance qui perçoit anicca, dukkha et anatta à travers les phénomènes. |
---|---|---|
2 | udayabbaya ñāṇa | Connaissance qui perçoit clairement l’apparition et l’anéantissement des phénomènes. |
3 | bhaṅga ñāṇa | Connaissance de l’anéantissement des phénomènes à chaque observation. |
4 | bhaya ñāṇa | Connaissance de la peur. |
5 | ādīnava ñāṇa | Connaissance de la misère. |
6 | nibbidā ñāṇa | Connaissance du dégoût. |
7 | muñcitu kamyatā ñāṇa | Connaissance de la volonté de délivrance. |
8 | paṭisaṅkhā ñāṇa | Connaissance du désintérêt total pour le monde. |
9 | saṅkhārupekkhā ñāṇa | Connaissance de l’équanimité. |
10 | anuloma ñāṇa | Connaissance de la complétude de tous les facteurs nécessaires à la cessation des phénomènes (nibbāna). |
La question qui se pose est de savoir où se classent nāma rūpa pariccheda ñāṇa et paccaya pariggaha ñāṇa, les deux connaissances que les yogī expérimentent au début de leur entraînement. D’un certain point de vue, on pourrait les classer avec les dix autres vipassanā ñāṇa. C’est comme pour le mot vipassanā, on explique parfois que la particule « passanā » signifie « fait de noter », sans donner la définition de la particule « vi ».
nāma rūpa pariccheda ñāṇa est la connaissance qui fait la distinction entre la conscience et la matière, c’est-à-dire entre l’objet observé et la conscience qui observe. paccayapariggaha ñāṇa est la connaissance qui distingue les causes des effets. sammasana ñāṇa est la connaissance qui perçoit anicca, dukkha et anatta à travers les phénomènes. udayabbaya ñāṇa est la connaissance qui perçoit clairement l’apparition et l’anéantissement des phénomènes. Selon la manière de classer les vipassanā ñāṇa, nous pouvons directement passer de pariccheda ñāṇa à anuloma ñāṇa. Les noms et les classifications ne sont pas importants. Ce qui l’est, c’est d’être capable de maîtriser la méthode de vipassanā.
Ainsi, la réponse à la question « qu’est-ce qui doit être observé pour développer vipassanā ? » est : « les cinq agrégats de l’attachement (upādānakkhandhā) ». C’est-à-dire qu’il convient de contempler ces cinq agrégats, qui, lorsqu’ils ne sont pas observés au moment de leur apparition, sont assujettis à l’attachement.
Les cinq upādānakkhandhā (agrégats de l’attachement) sont :
Si les yogī ne réalisent pas qu’un être humain n’est rien d’autre qu’un groupe de cinq agrégats, il sera convaincu que les phénomènes physiques et mentaux sont atta, c’est-à-dire : je suis MOI, lui est un homme, elle est une femme, etc. Il risquera alors d’être très attaché à cette vue incorrecte qu’on appelle sakkāya diṭṭhi. Pour cette raison, il convient de s’entraîner à vipassanā jusqu’à développer une compréhension juste des cinq agrégats.
Comment convient-il de contempler les phénomènes avec une vue juste ? Comme le font les yogī ici et maintenant, en notant durant la marche « pas gauche, pas droit » ou « lever, poser » ou « lever, avancer, poser », etc. Nous procédons exactement comme il est indiqué dans le mahā satipaṭṭhāna sutta : « gacchanto vā gacchāmīti pajānāti ».
Pendant la marche, lorsque le yogī note le mouvement du pas gauche : le mouvement lui-même est l’agrégat de la matière ; le fait qu’il soit agréable ou désagréable est l’agrégat des sensations ; le fait de le noter est l’agrégat des perceptions ; le fait d’effectuer ce pas est l’agrégat des volitions mentales ; la conscience qui le connaît est l’agrégat de la conscience.
Cela constitue donc les cinq agrégats de l’attachement. Le yogī qui n’observe pas le mouvement des pas durant la marche pensera : « c’est MOI qui avance, c’est MON pied qui avance », etc. Cette vue, qui a pour caractéristique de croire que ceci est « moi », est précisément l’attachement des cinq agrégats.
Pendant l’assise, lorsque le yogī note « assis, toucher » : le corps assis est l’agrégat de la matière ; le fait que ce soit agréable ou désagréable est l’agrégat des sensations ; le fait de le noter est l’agrégat des perceptions ; l’effort de noter est l’agrégat des volitions mentales ; la conscience qui connaît est l’agrégat de la conscience.
Lorsque le yogī note : « monter, descendre », ce gonflement et ce dégonflement de l’abdomen sont l’agrégat de la matière ; le fait que ce soit agréable ou désagréable est l’agrégat des sensations ; le fait de noter ces mouvements est l’agrégat des perceptions ; l’effort de les noter est l’agrégat des volitions mentales ; la conscience qui les connaît est l’agrégat de la conscience.
Cela constitue donc les cinq agrégats de l’attachement. Le yogī qui n’observe pas le mouvement des pas durant la marche pensera : « c’est MOI qui avance, c’est MON pied qui avance », etc. Cette vue, qui a pour caractéristique de croire que ceci est « moi », est précisément l’attachement des cinq agrégats.
Cela est considéré comme la contemplation des cinq agrégats de l’attachement avec la vue juste. Il est donc correct de noter : « pas gauche », « pas droit », « lever », « avancer », « poser », « monter », « descendre », « assis », « toucher », « voir », « entendre », etc. C’est-à-dire, noter correctement les cinq agrégats de l’attachement dans le but de les connaître. Il est correct de noter les mouvements du corps au moment où ils sont effectués et les sensations du corps au moment où elles apparaissent. En revanche, il est incorrect de noter « matière », « conscience », « anicca », « dukkha », « anatta », etc. Il ne faut pas se préoccuper de cela, ni même du fait que cela apparaisse ou disparaisse. Il faut seulement noter les phénomènes physiques et mentaux à l’instant où ils se manifestent, au fur et à mesure où ils se manifestent.
La première partie de cette question est : « Pourquoi les yogī doivent-ils noter les agrégats (les phénomènes physiques et mentaux) ? » La seconde partie de cette question est : « Quand est-ce que les yogī doivent noter ces agrégats ? »
La réponse est : « Pour empêcher l’attachement, la contemplation doit être effectuée au moment de leur apparition. » Si le yogī note le gonflement, le dégonflement, le mouvement, la vision, le son, la consommation de nourriture, etc., au moment même de l’apparition de chacun de ces phénomènes, l’attachement peut être évité.
Dans le mahā satipaṭṭhāna sutta, il est dit : « kāye kāyānupassī viharati, ātāpī sampajāno satimā vineyya, loke abhijjhā domanassa ». Cela signifie que lobha (l’avidité) dosa (l’aversion) et l’attachement peuvent surgir si les yogī ne notent pas les phénomènes physiques et mentaux au moment où ils apparaissent. Ces phénomènes doivent donc être notés dans le présent, au moment même de leur apparition.
De la même manière, il faut noter les sensations au moment même de leur apparition.
C’est pourquoi, à la question « Dans quel but et quand contempler les agrégats ? », il est répondu : « Pour empêcher l’attachement, la contemplation doit être effectuée au moment de leur apparition. »
Si un phénomène n’est pas observé au moment de son apparition, l’attachement peut naître. Par exemple, en entendant un son agréable, s’il n’est pas noté, l’attachement surgira et ce son sera perçu comme une mélodie, un son plaisant. De la même façon, en percevant une vision agréable, si elle n’est pas notée, l’attachement surgira et cette vision sera perçue comme un beau paysage, une vision plaisante.
Ensuite, on peut supposer que ces agrégats sont bons, beaux et permanents. On peut aussi affirmer : « les sons que je perçois m’appartiennent, c’est MOI qui les perçois », « les visions que je perçois m’appartiennent, c’est MOI qui les perçois », etc.
Pour éviter de telles illusions, chaque yogī doit contempler dans la mesure du possible tous les phénomènes physiques et mentaux qu’il perçoit. Ainsi, en développant cet entraînement sans relâche, il comprendra que tout ce qui apparaît est condamné à s’anéantir, et qu’il n’y a donc pas de raison de s’y attacher. Le yogī pourra alors se défaire des vues erronées quant à l’existence du MOI et de la personnalité (sakkāya diṭṭhi).
En poursuivant assidûment le développement de la vipassanā, le yogī comprendra par lui-même que tout est assujetti à la souffrance et que rien n’est permanent. Il comprendra aussi les caractéristiques naturelles de tout ce qui apparaît dans le corps, telles que les tensions, les irritations, les douleurs, les fourmillements, etc.
En notant une douleur, le yogī connaîtra les caractéristiques de la douleur. S’il ne la note pas, il ne pourra pas la connaître. Une fois que ces caractéristiques seront connues, le yogī verra clairement saṅkhata lakkhaṇā. C’est-à-dire que les phénomènes se décomposent en trois parties : le début (l’apparition), le milieu (la durée), et la fin (l’anéantissement).
Plus tard, il verra les caractéristiques d’anicca, dukkha et anatta.
Quand un yogī aperçoit une file de fourmis de loin, il ne voit qu’une ligne noire. S’il s’en approche, il peut distinguer les insectes un à un. En étant tout près, il peut voir que chaque insecte est constitué d’une tête, d’un thorax et d’une queue. De la même manière qu’au début de son entraînement, un yogī ne voit que des objets grossiers. Une fois que l’attention se développe et que les observations deviennent plus nombreuses, il commence à percevoir les conditions changeantes d’instant en instant.
En poursuivant toujours à s’entraîner au développement de la vipassanā, le yogī percevra distinctement l’apparition et la disparition des phénomènes. Cela conduit à la connaissance de la caractéristique d’anicca, autrement dit, que rien n’est durable. En même temps, le yogī réalise, que, du fait que tout phénomène qui apparaît s’anéantit aussitôt, rien ne peut être plaisant. Il comprend ainsi que tout est assujetti à l’insatisfaction et à la souffrance. Il s’agit de la connaissance de la caractéristique de dukkha.
Une autre réalisation que le yogī fera est que les choses ne se produisent pas selon sa volonté, que rien n’est jamais prévisible à l’avance. Cette connaissance est celle de la caractéristique d’anatta. À ce moment, le yogī comprendra par lui-même que les principales caractéristiques inhérentes à toutes choses sont anicca, dukkha et anatta.
La dernière partie de la réponse (à la seconde question) est : « Si l’attachement a été extirpé, la voie de la connaissance s’ouvre et finalement, nibbāna est réalisé. » Une fois que le yogī a clairement réalisé la connaissance des caractéristiques d’anicca, dukkha et anatta, il approuve le fait qu’il n’y a pas de personnalité ou d’entité propre. Il sait que tout cela n’est qu’un ensemble d’agrégats constamment changeants.
En poursuivant toujours son développement de la vipassanā, le yogī s’apercevra qu’une intention précède chaque mouvement. Il verra nettement, qu’avant d’effectuer le pas gauche, une intention de le faire apparaît ; que la volonté de s’asseoir est, elle aussi, précédée d’une intention de le faire, etc. Cela est la connaissance qui distingue entre la cause et l’effet.
Après cette connaissance, le yogī verra l’anéantissement des phénomènes à chaque note, ce qui provoque une forte instabilité. Il verra donc que tous les phénomènes se meurent d’eux-mêmes. Cette connaissance est bhaṅga ñāṇa. Ensuite, il expérimentera les trois connaissances suivantes : bhaya ñāṇa, la connaissance de la peur, durant laquelle des frayeurs sont expérimentées ; ādinava ñāṇa, la connaissance de la misère, où des sensations de misère sont expérimentées ; nibbidā ñāṇa, la connaissance du dégoût, où des sensations de répulsion sont expérimentées.
Cela incite, plus que jamais, le yogī à obtenir la délivrance. De ce fait, il s’entraîne plus en profondeur au développement de la vipassanā, ce qui le mène à l’étape suivante : saṅkhārupekkhā ñāṇa. Il s’agit de la connaissance de l’équanimité ; les phénomènes sont perçus avec équanimité.
À ce stade, le yogī doit étendre les points de touche à noter. Ceux-là s’atténueront peu à peu, et pourront même disparaître totalement. Dans ce cas, le yogī n’aura plus à tenter de les suivre, ni à les chercher. S’il n’y a plus d’objet à noter, il conviendra de noter la conscience elle-même : « connaître, connaître ». À ce moment, la conscience qui note peut s’accélérer et soudainement, la cessation des phénomènes physiques et mentaux peut se produire.
Bouddha a dit : « tout ce qui apparaît s’anéantit de lui-même ». Après s’être longuement et assidûment entraîné à la contemplation de l’apparition et de l’anéantissement des phénomènes physiques et mentaux, le yogī parvient à la cessation de ce processus. Par conséquent, il expérimente la connaissance de la voie : magga ñāṇa.
Ainsi, lorsque le yogī a réalisé l’extinction de l’attachement aux agrégats (upādānakkhandhā), il parvient finalement, par le biais de la connaissance de la voie (magga ñāṇa), à nibbāna.
Étant donné que vipassanā bhāvanā est le seul moyen de se délivrer de la souffrance et de la misère pour parvenir à la paix de nibbāna, chacun devrait l’étudier, la mettre en pratique et la développer durant toute la vie si nécessaire. Le Vénérable Mahāsī Sayādaw, lui aussi, a indiqué dans ses enseignements, que l’entraînement à vipassanā devrait être mis en pratique et développé chaque fois que possible, chaque fois que l’occasion se présente.
Suivant les nobles instructions du Vénérable Mahāsī Sayādaw, parvenant à la cessation de tous les saṅkhāra (volitions mentales) grâce à un entraînement assidu au développement de vipassanā, puissent tous les yogī se délivrer de la souffrance et de la misère pour parvenir à la paix de nibbāna. C’est ainsi qu’avec mettā, se conclut cet enseignement.
sādhu ! sādhu ! sādhu !
Origine : Enseignement délivré au centre Mahāsī de Yangon (Birmanie)
Auteur : Vénérable Jaṭila
Traducteur : Moine Dhamma Sāmi
Date : Mars 2003
Mise à jour : 17 juin 2005