Cliquez ici pour afficher normalement la page (avec mise en forme et graphisme). Si ça ne fonctionne pas, vérifiez que votre navigateur accepte JavaScript et supporte les CSS. Nous vous recommandons un navigateur respectant les standards, tel que : Google Chrome, Firefox, Safari…
Enseignement à propos du développement de la pureté du mental.
L’enseignement d’aujourd’hui porte sur citta visuddhi, qui est le second des sept visuddhi. Une fois qu’il a purifié son sīla (la conduite), le yogī doit s’atteler à la purification de son mental. En pali, la purification du mental se dit citta visuddhi. Afin de purifier le mental, il existe de nombreux moyens. Premièrement, je vais expliquer le moyen de purifier le mental à l’aide de vipassanā kammaṭṭhāna, qui se divise lui-même en deux voies :
a. samatha yānika, mise en application de l’entraînement qui mène à nibbāna après développement d’une base de samatha kammaṭṭhāna. Il s’agit de la méthode par laquelle le yogī développe en premier lieu l’upacāra samādhi et l’appanā samādhi, à l’aide du samatha kammaṭṭhāna. Une fois cette base acquise, il poursuit son entraînement à l’aide de la vipassanā satipaṭṭhāna.
b. suddha vipassanā yānika, mise en application de l’entraînement qui mène à nibbāna en contemplant directement les phénomènes physiques et mentaux, sans développer une base de samatha kammaṭṭhāna. suddha vipassanā yānika est la voie enseignée dans la méthode du Vénérable Mahāsī Sayādaw.
vipassanā bhāvanā, c’est la contemplation des phénomènes physiques et mentaux qui apparaissent par les six portes sensorielles. Pour ce faire, le yogī doit noter chaque perception à l’instant même où elle apparaît, à l’aide du khaṇika samādhi (concentration par instants). Au début de l’entraînement, le samādhi étant encore faible, les vagabondages de l’esprit peuvent être nombreux. Dans ces conditions, il est très difficile de maîtriser le mental. Si le yogī note les pensées vagabondes de sorte à les connaître, le vagabondage de l’esprit peut cesser. S’il note ces objets mentaux chaque fois qu’ils apparaissent, il n’y aura plus de vagabondage de l’esprit. La contemplation des pensées vagabondes est appelée cittānupassanā, cela aussi est le dhamma.
À ce niveau de la contemplation, chaque perception notée adhère étroitement à la conscience qui le note avec fixation. Cette fixation du mental sur chaque perception est appelée vipassanā khaṇika samādhi (connaissance directe par concentration instant par instant). Chaque fois qu’un objet est contemplé ainsi, il y a citta visuddhi ; pureté du mental. Le Vénérable Mahāsī Sayādaw a dit : « le mental qui, sans vagabonder vers d’autres objets, reste concentré seulement sur l’objet observé est défini comme citta visuddhi, la pureté du mental. » Chaque yogī doit donc s’efforcer de purifier son mental.
Généralement, les gens prennent seulement soin de purifier leur corps. Que ce soit le matin, le soir ou même au milieu de la journée, ils se lavent le visage, ils se brossent les dents, ils se douchent, ils se coiffent, ils se maquillent, ils changent leurs vêtements, etc. Rares sont ceux qui prennent soin de purifier leur mental. Il est impossible de renaître dans les mondes apāya (mondes inférieurs) à cause des impuretés du corps.
Seules, les impuretés du mental causent les renaissances dans les mondes inférieurs. Les animaux que nous pouvons voir de nos propres yeux, comme les buffles, les bœufs, les chiens, les cochons, les canards, ou les poules, mènent une existence particulièrement misérable et pénible. S’il en est ainsi pour ces êtres, ce n’est pas parce qu’ils ne se sont pas douchés au cours de leurs vies passées, mais parce qu’ils se sont livrés à des actes akusala à l’aide du corps, de la parole et de la pensée.
À propos de la pureté mentale, Bouddha dit, dans l’introduction du mahā satipaṭṭhāna sutta : « ekāyano ayaṃ bhikkhave maggo sattānaṃ visuddhiyā », ce qui veut dire : « Moines, pour que les êtres purifient leur mental, l’entraînement au satipaṭṭhāna bhāvanā constitue la seule voie possible ». C’est pourquoi le yogī qui souhaite purifier son mental doit s’entraîner avec diligence et persévérance au satipaṭṭhāna.
Il y a quatre satipaṭṭhāna :
Si le yogī s’applique avec assiduité, effort, détermination, précision et persévérance au satipaṭṭhāna, en strict accord avec les instructions contenues dans le paṭipatti sāsana, il pourra parvenir à la pureté du mental. Tous les bouddhas, tous les pacceka buddha, tous les arahant et tous les autres ariyā ont obtenu la pureté du mental grâce à un entraînement soutenu au satipaṭṭhāna. Chaque yogī souhaitant parvenir à un résultat similaire doit naturellement adopter le même entraînement.
Le mental est souillé par de nombreux kilesā : lobha (l’avidité), dosa (l’aversion), māna (l’orgueil), etc. Le mental est comme un éléphant sauvage. L’éléphant sauvage n’est à l’aise que dans la forêt. Près des zones habitées par les hommes, il n’est pas satisfait. Un tel éléphant n’est d’aucune utilité pour les hommes ; s’il est introduit dans un endroit peuplé par les hommes, il risque seulement d’être un danger pour eux. Cependant, si un tel éléphant est solidement attaché, il est possible de l’apprivoiser correctement. Ensuite, il finit par devenir docile et très utile pour aider les hommes dans leur travail. De la même manière, le mental sauvage délaissé dans la forêt des kilesā conduit aux apāya. Pour cette raison, après avoir solidement attaché le mental avec les cordes de sīla, il faut l’apprivoiser à l’aide du satipaṭṭhāna.
Bouddha enseigna ainsi : « Rien n’est solide dans le mental. Il n’y a que des objets mentaux qui apparaissent les uns après les autres. Le mental erre seul et il peut s’égarer très loin. Celui qui parvient à maîtriser son mental devient libre de kilesā. »
Un jour, un moine du nom de Saṃgharakkhita envoya son neveu, le Vénérable Bhagineyya passer le vassa dans un monastère de forêt. Lorsque le vassa fut terminé, le Vénérable Bhagineyya partit rendre visite à son oncle. Souhaitant lui faire un don, il avait emporté avec lui toutes les pièces de tissus – destinées à confectionner des robes – qui lui avaient été offertes durant le vassa. Arrivé au monastère de son oncle, après s’être respectueusement prosterné devant lui, il lui demanda :
« — Ô vénérable oncle ! Puis-je vous offrir ces tissus destinés à la confection de robes ? Seriez-vous assez aimable pour accepter ces tissus ?
— Je décline cette offre, mon neveu. J’ai suffisamment de tissus ; vous devriez les utiliser pour vous-même.
— Oh non, Vénérable oncle ! J’ai réservé ces tissus spécialement pour vous les offrir. »
Bien qu’il insista, son oncle n’accepta pas sa donation. Découragé, le jeune moine pensa que son oncle ne l’aimait pas, car il refusait d’accepter ce qu’il voulait lui offrir. Il se mit alors à penser ainsi…
Il songea qu’il serait mieux pour lui de quitter le saṃgha au profit de la vie laïque. Redevenant laïc, il devrait être riche, car s’il était pauvre, il serait rejeté par les autres. Il vendrait les tissus afin de s’acheter une chèvre. La chèvre aurait des petits, à l’aide desquels il pourrait constituer un élevage. Il aurait beaucoup de travail à s’occuper des bêtes et à faire cuire ses propres repas. Pour se faire aider, il aurait besoin d’une personne conjointe. Comme il vendrait des chèvres, il parviendrait à gagner suffisamment d’argent pour se marier. Sa femme donnerait naissance à un fils, qui ressemblerait à son oncle. Il déciderait d’emmener son fils au monastère de son oncle pour le lui présenter. Ayant fait l’acquisition d’un petit chariot et de deux taureaux, il dirait à sa femme : « Ô chère femme ! Voudriez-vous bien venir avec moi chez mon oncle, avec du riz et du carry (légumes, viandes, sauces…) pour lui faire la cuisine ? » Il ferait monter sa femme et son enfant dans le petit chariot pour aller visiter son oncle au monastère. Il attellerait les taureaux et mettrait la nourriture dans le chariot. En chemin, alors qu’il tirerait durement sur les rênes des taureaux, il demanderait à sa femme : « Ô chère femme ! Pourriez-vous me passer l’enfant ? » Elle lui rétorquerait : « Ô cher mari ! Ne vous donnez pas la peine de vous occuper de l’enfant. Chargez-vous seulement de conduire le chariot. » Il insisterait et arracherait l’enfant des bras. Ce faisant, l’enfant tomberait à terre et passerait sous la roue du chariot. Il deviendrait si furieux qu’il frapperait violemment sa femme à coups de bâton.
Au moment où il songeait ainsi, alors qu’il éventait son oncle, il le frappa distraitement à la tête avec l’éventail. Doté de pouvoirs psychiques, le Vénérable Saṃgharakkhita connaissait les pensées de son neveu. Il lui demanda : « Cher neveu, ne pouvant pas frapper votre femme, pourquoi frappez-vous votre vieux moine d’oncle ? » Stupéfait et effrayé par les mots de son oncle, le vénérable Bhagineyya sortit du monastère en courant et prit la fuite. Rattrapé par d’autres moines et par des novices, il fut conduit auprès de Bouddha.
Quand toute l’histoire fut relatée au Bienheureux, il déclara : « Le mental est capable de se fixer sur des objets très lointains. Ces objets peuvent apparaître subitement et se désintégrer tout aussi rapidement. Il n’est pas facile de les refréner, et il est difficile de les éradiquer. Il faut parvenir à dompter son mental si l’on veut qu’il soit libre de lobha, dosa, et moha. Ceux qui parviennent à bien surveiller leur mental sont libres de kilesā. » Le jeune moine se mit à contempler son mental en développant vipassanā. Il put alors observer les nombreux états et activités du mental, les connaissant aussitôt qu’ils apparaissent : l’avidité, la colère, la joie, la paresse, etc. Grâce à cet entraînement soutenu et diligent du cittānupassanā satipaṭṭhāna, le Vénérable Bhagineyya devint rapidement un ariyā. C’est pourquoi chaque yogī devrait, après avoir purifié son sīla, s’efforcer au développement de la pureté du mental.
Les impuretés du mental apparaissent à cause du mental. Par exemple, la pluie transforme la terre en boue. Ce qui est sali par la boue doit être nettoyé à l’aide d’eau. De la même manière, les impuretés que sont lobha, dosa, et moha apparaissent à cause du mental. Ces impuretés mentales doivent être nettoyées à l’aide du mental qui contemple. Un proverbe birman dit : « barque renfloue barque chavirée, argent renfloue argent chaviré » (on redresse une barque renversée à l’aide d’une autre barque, on renfloue de l’argent perdu à l’aide d’argent ; autrement dit, guérir le mal par le mal). À l’identique, c’est à l’aide du mental qu’il faut noter les vagabondages du mental. Procédant ainsi, les vagabondages ne se manifesteront plus, laissant place à un mental pur et serein.
Ainsi, le Vénérable Mahāsī Sayādaw a dit : « le mental qui, sans vagabonder vers d’autres objets, reste concentré seulement sur l’objet observé est défini comme citta visuddhi, la pureté du mental. »
Pour conclure cet enseignement, je souhaiterai sincèrement que tout yogī puisse être capable d’observer chaque perception apparaissant, afin de purifier son mental. Puisse chacun d’entre vous parvenir à développer la pureté de la conduite, la pureté du mental, et le reste des sept visuddhi, jusqu’à réaliser le plus rapidement possible nibbāna, la cessation définitive de toutes les souffrances !
sādhu ! sādhu ! sādhu !
Origine : Enseignement délivré au centre Mahāsī de Yangon (Birmanie)
Auteur : Vénérable Jaṭila
Traducteur : Moine Dhamma Sāmi
Date : Mars 2003
Mise à jour : 17 juin 2005